MARLOW RIDER – CRYPTOGENESE

BULLIT RECORDS
Heavy blues rock
MARLOW RIDER - CRYPTOGENESE

Après First Ride, l’album précédent de Marlow Rider sorti sur le label Rock Paradise en 2021, Tony Marlow et ses acolytes nous reviennent avec un nouvel opus intitulé Cryptogenèse sur le label indépendant montreuillois Bullit Records spécialisé dans le rock’n’roll, garage, blues, surf, indie… Cette suite logique dans son évolution artistique prouve, si nécessaire, que Tony est un musicien honnête et droit et que ce changement de cap d’il y a deux ans vers un blues-rock psychédélique, cuvée fin 60’s, décennie 70’s, n’était absolument pas un caprice du Dieu, ni une quelconque opportunité mercantile, encore moins une route sinueuse et hasardeuse empruntée suite aux prédictions d’une diseuse de bonne aventure à la cour des miracles. Que Macron, Elisabeth Borne et tous les acteurs endimanchés du CAC 40 se rassurent et se confortent dans leur vampirisme, l’heure de la retraite pour Tony Marlow, pour notre plus grand bonheur, n’a pas encore sonné. Et ce n’est pas demain la veille que l’ex Rebels va se ranger des voitures, raccrocher sa Flying V façon Albert King, au clou, bazarder ses vestiges du passé dans la malle aux souvenirs et se consacrer exclusivement à la fabrication de fromages de chèvre, en faisant vœu de silence et de chasteté au sein d’une communauté monastique de la Grande Chartreuse. Cependant, ce satané temps qui passe ne semble n’avoir aucune emprise négative sur lui et cette joute physique et cérébrale qu’il lui impose quotidiennement, avec bassesse et persiflage, reste désespérément vaine pour ce foutu temps et son horloge infernale, dont les secondes s’écoulent inexorablement et que rien ne peut stopper sa folle cavalcade. Je l’ai déjà écrit avec insistance et à moult reprises, au risque de passer pour un malade d’Alzheimer, puisque Tony Marlow est certainement le musicien que j’ai le plus chroniqué et interviewé durant ma courte et modeste carrière de rock critic, avec Dick Rivers, Little Bob, Benoît Blue Boy et Patrick Verbeke, je le répète une énième fois à qui veut l’entendre, tel un grand cru classé, il se bonifie avec ou malgré les années qui s’additionnent, phénomène métaphysique qui le rend encore plus précieux et plus incontournable en 2023, en 45 ans de bons et loyaux services envers le rock’n’roll, voire plus si on compte les premiers baloches en Corse et les premiers balbutiements avec Gino Vicci et Cosa Nostra dont quelques futurs membres de Diesel. Tony Marlow reste quand même un mystère non-élucidé, un mystère rock en somme, car son relatif succès, voire carrément parfois l’insuccès cuisant, cruel et injuste, le manque de reconnaissance des grands médias, le grincement de dents des puristes gominés et obnubilés par Eddie Cochran, auraient pu le rendre amer, aigri, et le faire chavirer corps et âme et irréversiblement vers les abymes les plus sombres et d’une profondeur insondable, telle une rock-star déchue et démaquillée, gavée de psychotropes. Au lieu de cela, Tony a conservé sa foi intacte et inaltérée des premières heures de sa longue épopée au sein des Rockin’ Rebels, une fraîcheur d’esprit, une humilité incommensurable, une créativité hors du commun et un talent inouï qui semble se décupler album après album, concert après concert. Un de ces quatre, il faudra bien que cette France morne plaine se réveille enfin de sa léthargie et qu’elle fasse un bras d’honneur salutaire et de réprobation aux diktats des grands médias et des grands manitous de l’industrie du disque et qu’elle fasse honneur à monsieur Tony Marlow et à l’ensemble de son œuvre considérable. Car à ce niveau affligeant de cécité, de surdité, d’ingratitude et d’imperméabilité à toute forme de grandeur musicale, il ne s’agit plus de mettre en exergue le manque de culture musicale et de racines, mais plutôt de mettre en évidence l’irrespect, la platitude et la médiocrité des gaulois, pas si réfractaires que ça. Au même titre que Johnny, Eddy et Dick dans les années 60, Tony Marlow est un pionnier du rock’n’roll revival et du rockabilly du milieu des années 70 et comme ses illustres aînés, avec quelques autres, il a mis les mains dans le cambouis, suant sang et eau, pour imposer une ressuscitation, voire une exhumation du rock’n’roll en pleine période culture hippie, San Francisco des fleurs dans les cheveux et du phénomène Summer Of Love. Et rien que pour ça, il mérite amplement notre indéfectible gratitude. Tony Marlow ne fait pas du rock’n’roll, il est le rock’n’roll!
Avec cet excellent opus, Marlow Rider, ce sulfureux et hérétique power trio de blues-rock psyché, fait perdurer les clins d’œil aux maître du heavy-blues: Jimi Hendrix, Johnny Winter, Rory Gallagher, Ritchie Blackmore, Fleetwood Mac, Cream, Hallyday période 68-69… tout en conservant sa propre identité et en ouvrant des portes vers d’autres horizons comme le très funky et très rock alternatif “Eclectic”, ou “Libertad”, qui trouve son inspiration vers l’œuvre latino aux parfums de tequila et de poulet enchiladas de Carlos Santana, ou encore “Le Grand Voyage” qui sonne blues du Delta du Mississippi, qu’auraient pu sans conteste interpréter Big Joe Williams ou Son House, voire un autre lonesome bluesman. On peut également citer “Hard Drivin’ Rock’N’Roll” qui me fait penser au fameux “Rock and Roll” de Led Zeppelin ou à un vieux boogie déjanté de Status Quo, avec un Tony Marlow schizophrénique se transformant simultanément en Jimmy Page et Robert Plant, et le titre phare de l’opus “De Bruit Et De Fureur” qui fait déjà l’objet d’un clip.  Impossible de ne pas citer les deux reprises, sublimées, dépoussiérées et customisées par Marlow Rider, à savoir: “Sunshine Of Your Love” de Cream (1967), avec un Tony dans les habits de lumière de Clapton, Fred Kolinski en Ginger Baker et Amine Leroy en Jack Bruce. Ce titre sera également repris par Hendrix, Ozzy Osbourne, Carlos Santana ou Ella Fitzgerald… En 2003, Rolling Stones Magazine le classera à la 65ème place des 500 meilleures chansons de tous les temps. Et “Highway Chile” de Jimi Hendrix Expérience, qui se trouvait en face B de leur 3ème single. Deux morceaux casse-gueule, deux titres périlleux à réinterpréter, sans risquer un plantage en règle et de mordre la poussière. Et n’en déplaise aux empêcheurs de tourner en rond, aux perpétuels grincheux et autres béotiens balourds, Tony Marlow et ses complices se sortent à merveille de cet exercice qui n’était pas gagné d’avance! Cerise sur le gâteau et bouquet final d’un feu d’artifice de groove et de feeling en apothéose, “Comme Un Cran D’Arrêt”, avec des paroles signées de la très sensuelle et très rock Alicia Fiorucci (Alicia F! dont on attend avec impatience le second album), dans la langue de Molière s’il vous plait! Alicia, la compagne de Tony Marlow à la scène comme à la ville, les Bonnie and Clyde du Rock’n’Roll, le couple le plus glamour et le plus rebelle de Montreuil. Un titre formidable qui pourrait, sans sourciller et sans dépareiller, servir de BO à un thriller de Stephen King ou de fil conducteur à un bouquin de science-fiction de Philip K. Dick. Et le titre qui à mon humble avis justifie à lui-seul l’acquisition de cet album dans les meilleurs délais, “Le Temps Efface Les Blessures”. Un super slow, une véritable tuerie, un slow chaloupé d’une époque révolue, à grimper aux rideaux et idéal pour le quart d’heure américain des surprises-parties, avec des paroles magnifiques et des guitares aiguisées comme du silex et plaintives à souhait, à faire couler les larmes et mouiller les yeux, même des rockers les plus endurcis. Quant aux fantastiques harmonies vocales qui ponctuent le titre, elles sont dignes des Rockin’ Rebels. Du grand art! Avec “Cryptogenèse”, Tony Marlow, ou plutôt Marlow Rider, fort comme Samson mais pas encore riche comme Crésus, semble marcher sur l’eau, tutoyer les étoiles, et l’excellence et son incroyable état de grâce venue de la sphère céleste du rock’n’roll pourrait lui donner le pouvoir de changer l’eau en vin. Mais c’est sur les planches, en live, devant le public, que Marlow Rider donne sa pleine mesure. Sur scène, impossible de tricher et les imposteurs de tout poil se font très vite débusquer, avec comme punition le goudron et les plumes. La scène, c’est le sérum de vérité, le détecteur de mensonge de la CIA. Tony Marlow est né sur scène, c’est son univers, son Graceland, son Highway 61, sa tour de Babel, là où il ne faut pas marcher sur ses pompes bleues ni sur ses plates-bandes. Un musicien sans ce rapport à la scène, est un peu comme un serial killer sans tronçonneuse, une dominatrice sans menottes, un bateau-ivre sans sextant, un Fouga Magister sans pilote, ou un apothicaire sans antidote…
Une fois de plus, avec cet album, Tony va nager à contre-courant, dans des eaux boueuses infestées de bancs de piranhas et mordu par les tarentules du système. “Cryptogenèse”, comme l’était “First Ride”, est un disque de bravoure, audacieux et couillu. Car il faut-être sévèrement burné pour s’attaquer à du blues-rock psychédélique à l’ère du formatage tous azimuts. N’en déplaise à ce bon Frank Sinatra qui, de son vivant, affirmait sans vergogne que le rock’n’roll était brutal et hideux et qu’il était la plus vicieuse des formes d’expression. Paix à son âme… Dans cet album homogène, Tony chante comme un possédé, avec une voix à la Arthur Brown ou Screaming Lord Sutch et ses solos sont plus incisifs et tortueux que jamais, avec une rythmique chirurgicale et hypnotique et des mélodies pénétrantes. Le tout superbement capté et appréhendé par Seb le Bison, qui a fait un job remarquable pour faire jaillir la quintessence viscérale de Marlow Rider, comme le sang qui jaillit d’une hémorragie carotidienne, et pas seulement pour les stroboscopes, l’encens et le patchouli. Car comme disait Keith Richards, au départ, le peintre à une toile, l’écrivain a une feuille de papier, et le musicien, lui, a le silence. Avec Tony, le silence ne dure jamais très longtemps et le syndrome de la feuille blanche devant sa Remington demeure illusoire. A noter la superbe pochette façon 13th Floor Elevators, aux couleurs chatoyantes et enivrantes, comme un kaléidoscope, en parfaite adéquation avec le contenu. “Cryptogenèse” est un brûlot en incandescence que j’écoute en boucle et le volume au maximum, tel un mort de faim. Mon voisinage, les Pompiers et la Police, sont sur les dents et en état d’alerte rouge. Mon adresse est subitement devenue le point névralgique des forces d’intervention en question. J’entends déjà tourner les hélicos au-dessus de ma tête et je vois un petit point rouge sur ma platine. Comme diraient les Dogs: “Too Much Class For The Neighbourhood”… Je ne me rendrais pas, qu’ils viennent me chercher, car je n’ai aucunement l’intention d’enlever les doigts de la prise. Bon, je vous laisse, car je vais réécouter pour la 3.518ème fois “Le Temps Efface Les Blessures”. Même si je n’ai plus de kleenex et que ça fait déjà trois tringles à rideaux que je casse. Ah oui, j’allais oublier: INDISPENSABLE!!! Quoi? Qui a dit LAPALISSADE???

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, May 15th 2023

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