MARK CRISSINGER – Believe In Love

Autoproduction
Blues

En dépit de sa bouille joviale et de sa carrure débonnaire, Mark Crissinger s’avère un véritable forçat. De la musique, en l’occurrence, jugez-en: en près de 35 ans de carrière, il a non seulement appartenu à trois formations fameuses en Ontario et au Québec (dont Sweet Jones et Caution Jam), mais enregistré avec elles plusieurs albums, tout en se produisant à plus de 2.500 reprises, du plus modeste pub jusqu’aux scènes des plus prestigieux festivals. Œuvrant depuis deux décennies en tant qu’artiste solo, il en est désormais à son cinquième album studio, et en revendique aussi trois live. C’est à la tête de son propre quintette qu’il affirme ici sa profession de foi, comme en atteste la plage titulaire qui ouvre le ban. Shuffle enlevé, drivé par une rythmique solide et un saxophone gouleyant, cette dernière situe d’emblée l’esprit de cet album. Le patron s’y fend d’un premier solo témoignant de sa maîtrise des six cordes électrifiées, évoquant ce qu’un autre colosse, Buddy Whittington, apporta aux Bluesbreakers en son temps. Mené par un alerte piano boogie “I Hear You’re Talking” n’aurait pas non plus déparé le répertoire de John Mayall, ni celui de son glorieux aîné, Jerry Lee Lewis. La guitare de Mark Crissinger y appose à nouveau son sceau fumant, au fil d’un solo aussi concis qu’ébouriffant. “I’ma Gonna Love You” nous dirige ensuite vers la Crescent City, et les clubs où se produisaient jadis Huey ‘Piano Smith’ & The Clowns (solo d’orgue Hammond à l’appui), dans la veine de leur “Don’t You Just Know It”. Détour ensuite par le Mississippi Delta pour un “Roll With The Punches” plus rural (avec l’harmonica juteux de Marty Howe et le piano bastringue de Darcy Phillips), avant que le “Bluesersize Boogie” ne nous ramène un peu plus au nord, sur les trottoirs de Memphis et en mode jug-band. Les lamelles de Howe et les ivoires de Phillips s’y taillent à nouveau la part du lion, tandis que l’organe vocal de Crissinger y fait autorité. “La Hoochie Coo” est un zydeco chanté en cajun, transposant peu ou prou la trame du “Mystery Train” de Junior Parker, et la guitare y projette à nouveau des étincelles. “Nothing Left To Lose” ne serait qu’un mid-tempo shuffle ordinaire, s’il n’était traversé d’un magistral solo de saxophone de Pierre Komen. “Heartache & Trouble” se révèle la concession country de rigueur, et ferait office de berceuse si elle ne comportait les contrechants subtils d’un harmonica de bon aloi. Le lazy-funk “Hard No” sonne heureusement le réveil, tandis que le boogie agreste “Hornby” referme sur un ton jovial cet album positif, offrant une dernière fois leur billet de sortie aux solistes.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 25th 2019