MARCEL ET SON ORCHESTRE – C’est Pas À Vous Qu’ Ça M’Arriverait

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Funk, Ska
MARCEL ET SON ORCHESTRE - C'est Pas À Vous Qu' Ça M'Arriverait

La Belgique a eu Brel, Arno et Ferré Gignard, la Bretagne Alan Stivell, Glen Mor ,Tri Yann et Soldat Louis (euh…), et le Languedoc, Nougaro, Joan Pau Verdier et Jean-Pierre Mader, certes. Mais à part Anarchic System (“Popcorn”), les Bourgeois de Calais, Stocks, les Chocolat’s (“Brazilia Carnaval”), Crazy Horse, Dany Boon et Raoul de Godewaersvelde, le Nord-Pas-de-Calais (qu’on n’appelait pas encore Hauts-de-France, façon Hauts-de-Hurlevent) n’a rien connu de plus emblématique à ce jour que Marcel et Son Orchestre. Héritier putatif des Capenoules, d’Au Bonheur des Dames, des Specials et des Pogues, ce combo lillo-boulonnais n’a eu de cesse, un quart de siècle durant, de perpétuer sur scène (et en studio) l’esprit festif et frondeur du carnaval de Dunkerque et de Gaston Couté. Officiellement splittés depuis 2012 (hormis deux ou trois reformations sporadiques sur scène entre 2017 et 2019), certains de ses membres n’en continuaient pas moins à frayer à droite et (surtout) à gauche (voir Lénine Renaud et Les Chasse Patates ICI et ICI), Mais sinon, juré promis craché, l’aventure était réputée close. C’eût été sans compter avec un following jamais démenti, ni avec la complicité indéfectible qui persiste à lier chacun de ses membres. À la manière d’un Tino Rossi, d’un Yves Montand, d’un Marcel Zanini ou d’un Charles Trénet, nos pas encore sexagénaires ont ainsi consenti à remettre le couvert avant de se révéler totalement cacochymes, et c’est la boule au ventre qu’on aborde ce premier album en treize ans. En effet, la question qui taraude le chroniqueur demeure: sauront-ils encore le refaire à nouveau (et quelque part, au niveau du lien, je veux dire, voilà)? Dès “Stigmatisez-Moi!”, on se rengorge: à rebours et à contre-courant de la doxa woke en vigueur chez nombre de nos contemporains, Marcel déconstruit la culpabilisation à outrance du mâle qui n’en peut mais, au regard des outrances d’un Depardieu à son corps défendant. Et le ska “Maudit Karma” confirme que nos amis persistent à ne pas démériter de la veine Ramon Pipin’s Odeurs, en taclant le sourire carnassier d’une Marine érigée en épouvantail utile d’un macronisme dérouté. Copieusement cuivré, l’afrobeat “Autocentré” accumule les liaisons dangereuses pour parodier la novlangue d’un jupitérisme naufragé. Dans la veine vintage french rhythm n’ blues de Nino Ferrer, “L’Empathie” et “Bertrand, Pas Rassurant” persistent dans cette verve dénonciatrice, et le rock-steady “Le Dégoût” (avec ses claviers façon Tyrone Downie et sa trombinette à la Vin Gordon) atteste que le jus coule toujours dans les artères des Marcels. Ce que confirment le ska-punk speedé “Jean-Patrick” et “Bertrand, Pas Rassuré”, avant qu’introduit par quelques cris de mouettes, le funky rap en ch’ti “V’là L’Dégât” ne pastiche le Sugarhill Gang et Kool & The Gang, sur un flow de cuivres arrangés aux petits oignons. “Quand On Sait Pas Dire Non” est un ska-punk sociologique comme auraient pu en pondre le regretté Rita Brantalou et Shitty Telaouïne, tandis qu'”Étron Flotteur” n’aurait pas dénaturé non plus le “No Sex” d’Odeurs. La salsa insoumise “Parasite” relève le flambeau abandonné dans le caniveau par les Bérus, les VRP et la Mano: bon Dieu, et si sous leurs inoffensifs atours festifs, les Marcels demeuraient quant à eux subversifs? Le pittoresque cajun “Dans Ma Boudinette” précède “Les The Place To Be”, dénonçant l’hypocrisie crasse et persistante du show-biz des milieux dits autorisés, à la manière des Kinks de “Top Of The Pops” (en 1970, déjà). Certifiés valides et incorruptibles, bons pour le service!

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co

PARIS-MOVE, February 15th 2025

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