Soul |
Quiconque prétend rédiger une encyclopédie du rock en négligeant d’y mentionner les Count Bishops et les Real Kids s’avère un charlatan certifié. De même, ceux qui glosent sur la soul music en ne se polarisant (comme pour la dichotomie Beatles/Stones) que sur l’exclusive dualité Stax/Motown ne sont que des béotiens en la matière. Car par delà Detroit et Memphis, Chicago était l’une des mecques de la sixties soul. Gene Chandler, Jerry Butler et son frangin Billy, Fontella Bass, Little Milton, Syl Johnson, et surtout Curtis Mayfield (à la tête de ses bien nommés Impressions) y constituaient bel et bien une 3ème voie: à la fois suffisamment catchy pour les radios et les charts, mais également sujette aux influences caribbéennes et latino (“Gypsy Woman”). Et quiconque évoque Curtis Mayfield en omettant sa fructueuse collaboration avec Major Lance ne mérite pas votre attention. Car l’essence du style Mayfield originel se concentre dans ces dizaines de faces qu’il écrivit et arrangea pour cet apprenti boxeur, miraculeusement doté d’un timbre de ténor sexy. De 1962 à 68, Major Lance tint le haut du pavé au sein du catalogue Okeh, sous la houlette du rusé Carl Davis. Leur combinaison accoucha d’une série de classiques si immémoriaux que leur compilation rivaliserait presque en créativité avec les fameux doubles rouge et bleu des Beatles. Dès “Delilah” en 62 (avec son gimmick de steel-drums et son beat chaloupé), cette paire gagnante établit sa marque distinctive. Les smash-hits “The Monkey Time”, “Crying in The Rain” et “Um, Um, Um, Um, Um, Um”, et de jubilatoires friandises telles que “You’ll Want Me Back”, “Gotta Get Away”, “Mama Didn’t Know” ou “Hey Little Girl” achevèrent d’installer Major Lance au panthéon de ce que les Brittons bâptisèrent la Northern Soul (et nos voisins Flamands le Popcorn). Cette nouvelle anthologie (augmentant de 13 titres l’édition Sony/Legacy de 1995) retrace avec panache l’apogée d’un géant.
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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