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Comme aucun exégète des Groovies ne l’ignore, un line-up ne reste jamais longtemps stable sous la houlette de Cyril Jordan. À preuve: outre ce dernier et le chanteur Paul Kopf, le personnel relève ici des revolving doors. Alternant avec Alec Palao et Prairie Prince (section rythmique du précédent album), le célèbre Clem Burke (batteur chez Blondie, les Ramones et Plimsouls) et Eddie Muñoz les remplacent à tour de rôle… Bon sang, Eddie Muñoz! Le séminal lead guitarist des Plimsouls se trouve donc ici relégué au rang de bassiste: on n’avait pas assisté à pareil crime de lèse-majesté depuis que les Stooges en avaient fait autant à Ron Asheton! Bah, puisqu’il paraît que ça l’amuse (on trouve même sur Youtube une version de “Shake Some Action” par ce line-up, où Eddie assume la ligne de basse de George Alexander)… Sous la prévisible influence des early- Beatles et early-Byrds, l’introductif “In Your Arms” renvoie plus que jamais aux Frimeurs Flamboyants des mid-seventies, mais l’auditeur n’est pas au bout de ses surprises, puisque la seconde plage de cet album reprend un titre qui ouvrait le tout premier album des Who! Sur ce tonitruant “Out in The Street”, Kopf épouse le moindre des accents gutturaux du jeune Daltrey, tandis que Jordan en fait autant avec les power-chords de Townshend. Pour confirmer ce tardif penchant mod, l’album se referme d’ailleurs sur une version du “It’s Not True” du même opus de la bande à Long-Tarin. “Tomorrow Never Comes” emprunte la facture du “Friday On My Mind” des Easybeats (dont l’ombre hantait déjà le premier album du Magic Christian), pour s’achever en mode freakbeat. “Come And Go” et “Something On My Mind” pastichent à nouveau les early-Byrds (early semblant avoir toujours été l’épithète favori de Cyril), et pour le reste, on demeure ici en territoire connu: “All The Stars”, “Run And Hide” et “Turn Up The Heat” préservant la touche Merseybeat dont Jordan ne se départit plus guère depuis quatre décennies, tandis que “Sha La La” en fait autant dans la veine pourtant moins usitée des Beach Boys (dont on peine à se convaincre que les suaves harmonies vocales sont bien le fait des seuls Paul et Cyril). À preuve, entre Standells et early-Stones, même “The Real Thing” (une profession de foi) et l’excellent “Gamblin’ Man” (avec Joel Jaffe au piano, selon une ligne proche de celle du Brian Jones de ‘Let’s Spend The Night Together”) ne dérogent pas à la règle, et ce n’est certes pas la cover contrite du “Anytime At All des Fabs qui la transgressera… C’est Jordan qui chante le country-rock “Share The Night”, et si l’on y comprend aisément qu’il ait engagé un vocaliste confirmé pour le seconder à ce rôle, on peine à mesurer cette gaudriole à l’aune de ce que Gene Clark et consorts pouvaient produire en pareil registre. Nous sommes en 2009, et cinq années séparent ce second effort du Magic Christian de son prédécesseur. Rabiboché avec Roy Loney et Chris Wilson, Jordan allait ensuite consentir à quelques reformations des Flamin’ Groovies (aussi sporadiques que tardivement lucratives), pour aboutir en 2017 à la réactivation du groupe sur l’album “Fantastic Plastic” (où Joel Jaffe tient la slide et la lap-steel): fin de la récré. Si vous deviez n’acquérir qu’un seul album du Magic Christian, privilégiez donc plutôt l’autre…
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, May 19th 2021
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Disponible en édition vinyle ICI
Magic Christian “covers” Shake Some Action by The Flamin’ Groovies: