Blues |
Pour le vingtième anniversaire de sa disparition, Thomas RUF consacre à Luther ALLISON une anthologie de poids (2,227 kgs exactement). En pas moins de 7 CDs, 4 DVDs et un imposant bouquin de 88 pages richement commenté et illustré, l’hommage en impose incontestablement. Né dans un patelin de l’Arkansas en 1939, Luther ALLISON devait décéder d’un cancer du poumon métastasé à cinq jours de son 58ème anniversaire, à Madison, dans le Wisconsin. Il se trouvait alors en pleine tournée d’été dans sa mère patrie, après une expatriation volontaire de plus douze ans. Car son histoire fut bien celle d’un exil permanent: émigré à Chicago avec sa famille de 15 frères et sœurs, il y découvrit le blues en fréquentant un camarade de classe qui s’avéra être l’un des fils de Muddy Waters! Initié à la guitare par des pointures telles que Freddie King, Otis Rush et Magic Sam, il commença par faire ses classes dans les clubs du West-Side, avant d’accompagner le vétéran Shakey Jake en Californie. Après quelques séances studio avec ce dernier et Sunnyland Slim, ce n’est qu’à 28 ans qu’il grava enfin ses premiers titres sur l’anthologie Delmark “Sweet Home Chicago”, avant son tout premier album sur le même label, le célébré “Love Me Mama”. Après avoir enflammé trois ans de suite la scène du célèbre Blues festival d’Ann-Arbor, il se vit proposer par Motown un contrat pour trois albums et crut alors sa carrière nationale lancée. Mais à sa surprise et déception, ce fut l’Europe qui lui accorda la reconnaissance que sa patrie lui refusa tout d’abord. Il s’établit donc à Paris, base arrière de tournées continentales aussi fréquentes que triomphales. Car à l’heure où l’étoile du blues pâlissait aux States, le public européen n’était que trop heureux d’accorder l’asile à l’un de ces éternels grands incompris américains (tradition remontant à Sydney Bechet, et poursuivie par Memphis Slim ainsi que nombre de jazzmen et autres réfugiés artistiques). C’est à cette période qu’il rencontra Thomas RUF (*), sous la houlette duquel il enregistra pas moins de douze albums, dont quatre live. Longtemps méprisé par certains puristes, pour qui l’énergie (et le volume sonore) de ses prestations scéniques l’apparentait davantage au rock qu’au blues, Luther ALLISON était de fait l’un des ultimes perpétuateurs d’une révolution initée à la fin des fifties dans les bas-fonds de Chicago. Son blues rageur puisait autant ses racines dans le funk et la soul canaille du chitlin’ circuit que dans la rivalité avec ses héritiers blancs. La surenchère des guitar-battles qui se déroulaient dans les clubs du West-Side se traduisait ainsi dans son jeu furieux et débridé. Luther ALLISON imposait sa différence par le refus de la démonstration stérile, préservant jusque dans ses plus explosives interventions l’essentiel de son héritage culturel. Outre cinq des albums studio qu’il édita sur RUF (dont les trois derniers sous licence Alligator), ce coffret fait la part belle au live: le concert complet qu’il donna à Montreux en 1976, et “Let’s Try It Again” de 89 trouvent leur complément idéal au fil des quatre DVDs (le Live à Berlin-Est de 1987, le “Ohne Filter” de 1991 avec son fils Bernard, “Live in Paradise” de 1997, et le Zoo Bar/WC Handy Awards de la même année). Le quatrième DVD propose en outre d’émouvants extraits d’interviews de Luther et d’hommages de ses pairs. Fauché par le crabe alors qu’il atteignait enfin la reconnaissance de ses concitoyens, Luther ALLISON méritait bien cette superbe anthologie (en édition limitée à 1.500 exemplaires numérotés…!!!!). Puisse-t-elle contribuer à lui maintenir sa place au panthéon du blues contemporain!
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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(*) Extrait de la biographie de Thomas RUF: “As a teenager, he began booking blues bands to play the local town hall, and in 1985, the epiphany of a meeting with the great Chicago bandleader Luther Allison changed his trajectory. “Luther quickly became,” remembers Tom, “a friend, a mentor and a teacher”. Inspired, Tom left the farm in the late ’80s to take his first steps into the music industry, first by promoting Allison’s shows, then juggling a university degree with his role as the guitarist’s German booking agent. “I followed the man,” he remembers, “learning the ropes of travelling and communication.”.
When Luther hit a dead-end in 1994, fizzing with great new material but unable to find a label or music publisher to release it, RUF Records was born. “I founded the label as a home for him,” explains Tom. “Luther’s name will always be connected with our history, marking our birth and growth.”
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Présentation du coffret CD et du coffret LP vinyles sur le site de RUF records: ICI
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Ce qu’a dit Thomas RUF sur ce coffret: “Luther Allison is a genuine blues hero with an incomparable expanse of energy and love for his music and for the people who loved it. I hope you enjoy every bit of this celebratory Luther Allison collection.” (Thomas Ruf)
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A commander directement sur le site de RUF records, ICI