Lucky Peterson – You Can Always Turn Around

Dreyfus Records
Blues

C’est Roots! Aux sources même du fleuve Blues! Avec du bottleneck comme jamais vous ne l’avez entendu! Ecoutez-moi ce ‘I Believe I’ll Dust My Broom’ de Robert Johnson, chanté et joué par l’immense Judge Kenneth Peterson, alias Lucky Peterson. Si jamais le Lucky chante comme cela à la maison, je pense qu’il doit y avoir une sacrée ambiance et que Tamara ne doit pas s’ennuyer!
Lorsque je l’avais rencontré, il m’avait dit qu’il chantait à l’église, le dimanche, quand il était chez lui, au Texas. Hé bien, je peux vous dire que si le Lucky chante à l’église comme sur cet opus, cela doit être mieux que dans n’importe quel club de blues du coin!
Côté instrumentiste sur ce nouvel opus, le jeu de guitare de Lucky Peterson est classique mais excellemment bien joué et cela fait un effet du diable.

Le deuxième morceau, ‘I’m New Here’, composé par Bill Callahan, est plus intimiste et voit le garçon démarrer les choses sur le ton de la confidence, avec un rythme folk qui à de quoi surprendre l’auditeur le plus fidèle des envolées lyriques de notre Lucky Peterson. Le titre de l’album trouve d’ailleurs son origine dans les paroles de cette balade folk.
Mais le bonheur réside dans le fait que le grand Lucky récidive l’exploit de la première plage dès le troisième morceau, en reprenant le géantissime ‘Statesboro Blues’ de Blind Willie Mc Tell, titre que nous avons eu le bonheur d’entendre, il y a quelques années, interprété par le Allman Brothers Band. Et que dire de cette mandoline qui vient en renfort pour vous foudroyer sur votre siège… A ne louper sous aucun prétexte, tout simplement, tant c’est magistral…!

Le quatrième morceau, ‘Trouble’, à l’instar du second, nous prend à nouveau sur un ton plus confidentiel, un tantinet rhythm’n’blues et gospelisant à la fois. Si vous vous souvenez du magnifique triple album que Lucky Peterson a publié, il y a peu de temps, et dans lequel il interprétait des morceaux à l’orgue Hammond B3, vous ne serez pas surpris ici par son jeu de piano. A croire que l’artiste a trouvé dans la composition de Ray La Montagne de quoi nous faire une confidence de taille: «J’ai été sauvé par une femme qui n’a jamais voulu me laisser repartir.» Voilà qui doit faire plaisir à la mère de ses quatre enfants.

Le cinquième morceau ‘Trampled Rose’, signé Tom Waits, va en déconcerter certains, c’est sûr… Mais le riff électrique du morceau suivant les remettra très vite sur le chemin de quelque chose de plus incisif. Il s’agit d’un hommage à Lucinda Williams qui interpréta, en 2003, cet ‘Atonement’. La guitare est particulièrement mordante et très sincèrement, cela fait beaucoup de bien par où cela s’écoute. Avec, en prime, cet équilibre presque toujours respecté entre les rythmes et une guitare omniprésente.

Le septième morceau, ‘Why Are People Like That’, initialement composé pour être joué par Muddy Waters, est une composition de Bobby Charles, et il a le mérite de nous restituer l’atmosphère qui devait prévaloir quand ces géants du genre illuminaient les soirées de Chicago et d’ailleurs.
Seul le titre suivant, ‘Four Little Boys’, une confession folk-bluesy du meilleur effet, a été coécrit par le musicien et…son père, James Peterson. Souvenez-vous que le père de Lucky Peterson était propriétaire d’un club de blues dans lequel le fiston prodige fit ses premières apparitions artistiques vers trois, quatre ans.

Le morceau suivant, ‘Death Don’t Have No Mercy’, du Révérend Gary Davis, et la version épurée que Lucky Peterson en fait, est pour nous l’occasion de nous souvenir du Grateful Dead qui en fit des versions mémorables dans ses concerts durant les années 60 et 70, et que je vous conseille de découvrir, ou redécouvrir, sur les nombreux enregistrements ‘bootlegs’ quasi officiels disponibles sur le internet.

Viennent, ensuite la version de ‘I Wish I Knew How It Would Feel To Be Free’ de Taylor et Dallas et dont Nina Simone en proposa une fort belle version en 1967, et un instrumental, ‘Think’, qui achève l’ouvrage dédié à la mémoire du regretté Francis Dreyfus. Un opus particulièrement réussi avec un Lucky Peterson au mieux de sa forme spirituelle et musicale, entouré, pour l’occasion, de Larry Campbell à la guitare acoustique, à la mandoline et à la pedal-steel guitare. Un musicien qui a longtemps travaillé avec Bob Dylan, Judy Collins et Willie Nelson, entre autres. Les autres comparses sont Scott Petito à la basse et à la mandoline, et Gary Burke à la batterie, un garçon qui a joué avec Joe Jackson et Aretha Franklin. Une formation somme toute restreinte, pour un disque qui va faire beaucoup de bruit…!

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine
Lucky Peterson