LOUDON WAINWRIGHT III – I’d Rather Lead A Band

Search Party / Thirty Tigers
Swing
LOUDON WAINWRIGHT III - I'd Rather Lead A Band

Au terme d’un demi-siècle de carrière, l’homme désormais davantage connu en tant que paternel de Rufus (et Martha) Wainwright nous revient avec un surprenant contrepied. Célébré de tout temps pour ses talents de folk-singer-songwriter, ce lascar de 74 balais décide en effet de se faire à présent plaisir, en se réinventant en meneur de revue. Soutenu par l’orchestre-maison de la série TV “Atlantic City” (HBO), Loudon Wainwright III se permet ici un voyage au cœur du swinging Great American Songbook des années 20 et 30. Le bandleader en titre, Vince Giordano, restaure avec brio des arrangements up-to-date de classiques tels que le fameux “Ain’t Misbehavin'” de Fats Waller (avec des emprunts aux musicals de Fred Astaire et Ginger Rogers), ainsi qu’en confectionnaient des maîtres ès livrets comme Cole Porter et Irving Berlin, et en interprétaient des chefs d’orchestres tels que Jimmy Lunceford et Tommy Dorsey. Il faut admettre que la farce prend bien mieux que lors des derniers efforts que déploya Dylan à transposer le répertoire de Sinatra, l’affaire adoptant ici une tournure bien plus réjouissante. La verve malicieuse de Loudon point avec une gourmande jubilation, au fil de standards tels que “You Rascal, You (I’ll Be Glad When You’re Dead)” (que nos Serge Gainsbourg et Eddy Mitchell nationaux avaient adapté en “Vieille Canaille”, à la manière de Jacques Hélian et Ray Ventura) ou “I’m Going To Give It To Mary With Love”, tandis que les onze musiciens qui l’entourent œuvrent avec un allant combinant finesse et à propos. Alors qu’il nous avait déjà mitonné un coup similaire en 2009 avec “High, Wide & Handsome (The Charlie Poole Project)”, Loudon nous propose cette fois le pendant urbain de ces manifestes métayers. Un album exsudant une classe et un optimisme bienvenus, en écho d’un temps où le sourire (désormais quelque peu suranné) s’inscrivait déjà en résilience à la morosité ambiante. Avec Loudon Wainwright III, la nostalgie se teinte ici d’une troublante actualité, et le rétro n’est jamais de trop. En espérant que cette bande-son ne s’apparente pas à celle de l’orchestre du Titanic, Michel Leeb peut donc bien retourner à ses chinoiseries.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 25th 2020