Los Texmaniacs – Cruzando Borders

World Music

La particularité de Smithsonian Folkways est de servir en quelque sorte de musée de la culture musicale aux USA. Cette fois, il s’agit donc de Los Texmaniacs et de leur album “Cruzando Borders”, qui nécessite pour les non-initiés quelques explications.

LOS TEXMANIACS – l’histoire du groupe
Max Baca a fondé Los Texmaniacs en 1997, à San Antonio… Les membres du groupe ont changé au fil des années. Les membres courants sont Max Baca (bajo sexto)
, Josh Baca (accordéon),
 Noel Hernandez (basse électrique), 
Lorenzo Martinez (batterie)

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LE STYLE MUSICAL
Pour ce qui est de leur style, ils mélangent la musique Texan-Mexicain conjunto (“conjunto tejano”) avec une infusion de sons contemporain du Sud-Ouest des USA.
A titre d’information, 

“conjunto” est un groupe, un ensemble, typique du mexique, de cuba et d’autres pays d’Amérique Latine (styles de mexicain “conjunto” – norteno, tejano, etc… Styles de cubain “conjunto” – une variation de salsa, etc), 

la musique ‘conjunto tejano’ est née au Texas du sud à la fin du 19ème siècle et l’addition de l’accordéon est arrivée par les immigrés allemands. Voici pour la petite histoire qui va vous permettre de mieux situer le reste de cette chronique

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Le musicien de conjunto le plus connu aux USA est Flaco Jimenez, avec un son de base bâti sur la classique formation “conjunto”: 

accordéon à trois rangées de boutons (la marque Hohner de préférence)

, une “bajo sexto” guitare basse 12 cordes pour les lignes de basses et des accords

, une basse électrique

, un ou plusieurs instruments de percussions, électroniques ou acoustiques. C’est ainsi que les waltz, polkas et schottiches des immigrés allemands, tchèques et polonais ont été adaptés aux goûts de la population locale. Résultat, un vrai mélange de traditions Latino Sud-Ouest avec l’Europe de l’Est.

MAX BACA
Max Baca vient de Albuquerque, au Nouveau Mexique. Il a appris l’accordéon a l’âge de 5 ans, car selon la tradition de sa famille, son père et grand-père en jouait. Il a fondé son premier groupe a l’âge de 12 ans, avec son frère Jimmy, “Los Hermanos Baca”, et ils ont enregistré trois albums ensemble.
Souvent, ils voyageaient en famille jusqu’à Lubbock, au Texas, pour écouter Flaco Jimenez en live. En 1990, Flaco Jimenez l’a invité a joué le basso sexto dans son groupe, The Texas Tornados (autre groupe légendaire du style). 

Jimenez l’avait appris les anciennes techniques de bajo sexto, en l’encourageant de faire utilisation de toutes les cordes et non seulement les cordes les plus aiguës (comme c’est habituel dans ce genre musical où on laisse les parties de basse aux bassistes électriques).

Il a donc tourné avec des légendes du genre tels que Freddy Fender, Augie Meyers, et Doug Sahm, qui jouaient entre autres du blues, du jazz et de la country dans leur formation.
En 1997, après la mort de Doug Sahm, Baca a fondé Los Texmaniacs, pour entretenir la flamme des Texas Tornadoes.
En 2013, Josh Baca, le neveu de Max, a remplacé David Farias, qui a joué sur leur album “Borders et Bailes”, album qui a gagné un Grammy comme “Meilleur album Tejano” en 2010.

Joueur d’accordéon selon la tradition familiale, il a appris le conjunto traditionnel et l’a mélangé avec ses propres influences (de blues, country, rock et hip-hop), pour former “son propre posole” (c’est une soupe traditionnel mexicain, une sorte de gumbo).

Batteur et multi-instrumentaliste, Lorenzo Martinez a grandi en Californie, avec de fortes influences des rancheras, musiques du Mexique du nord (Pedro Infante, etc.…), ainsi que les groove de James Brown et d’autres musiques soul.

 Bassiste, guitariste et vocaliste, Noel Hernandez a aussi appris le conjunto avec l’accordéon.
Après avoir joué en professionnel depuis 1990, notamment dans un “jam band” Los Frijoles Romanticos (Les Haricots Romantiques) pour protester contre l’homogénéisation et la commercialisation de la musique Tejano, Max Baca l’a invité à rejoindre Los Texmaniacs, ce qu’il a accepté immédiatement, sans arrière-pensée.

Cruzando Borders est une collection de classiques du genre qui raconte des histoires de la frontière entre les USA et le Mexique, traitant de musiques traditionnelles, tandis que leurs enregistrements habituels sont plus rock.

MA PETITE HISTOIRE DANS LA GRANDE HISTOIRE
C’était la fin d’une époque: un dernier concert de fermeture du grand festival SxSW en 2015, organisé par Alejandro Escovedo, chez sa grande copine Maria. Il s’agit de la “vieille” Austin, the “weird” Austin des années ’70, sur la rue Lamar, chez Maria’s Taco Xpress, ou j’ai vu pour la première fois Los Texmaniacs.
Il y avait des personnes de tout âge, une ambiance de folie, tout le monde debout. Mon papa de 80 ans était invité à s’assoir à une table de “papi fêtards” où ils riaient en balançant leurs boissons alcoolisées un peu partout. … Il y avait des improvisations entre bajo sexto et accordéon, rendant le public particulièrement euphorique. On chantait avec eux, même si on ne connaissait pas les chansons ou l’espagnol. Los Texmaniacs était tout simplement irrésistibles. What a party!

L’ALBUM
Sur cet album “Cruzando Borders” un certain nombre de titres ont été enregistrés à l’origine par Los Lobos, Lila Downs, Freddy Fender ou Willie Nelson, ainsi que des chansons de grands compositeurs moins connus en dehors du Sud-Ouest, comme Juan Lopez (“le roi de la Redova,” une forme de valse), Narciso Martinez ou bien Santiago Jimenez (le papa de Flaco).
On retrouve aussi sur ce CD des invités dont la réputation n’est plus à faire, comme Rick Trevino, qui interprète sa propre composition (“I am a Mexican”), et Lyle Lovett qui chante des paroles de Woody Guthrie (“Deportee”).
A l’écoute, une bien jolie pièce de musée sur laquelle on appréciera particulièrement les compositions, guitares et voix, et pour les amateurs d’accordéon musette, à se demander si l’âme d’Yvette Horner n’est pas venu frapper à la porte du musicien.
Du coup, on apprécie aussi tout particulièrement lorsque l’accordéon est en sourdine, ce qui nous permet d’apprécier toute la valeur des talents vocaux des chanteurs qui usent d’une très belle technique.
Bien entendu, l’aspect de cette musique qui empreinte beaucoup à la musique mexicaine, nous touche profondément, et si vous avez dans votre âme cette valeur de conservateur d’archives artistiques et que vous êtes sensible à cette culture, ou simplement que le goût d’un voyage musical est essentiel pour vous, vous serez comblés, d’autant que, comme toujours avec les productions du Smithsonian Folkways, cet album bénéficie d’un soin tout particulier au niveau du mixage.

Ilene Martinez
Bayou Blue Radio – Paris-Move

Los Texmaniacs – “Cruzando Borders”: un album essentiel, disponible ICI
Produit par Smithsonian Folkways