LONNIE LISTON SMITH – Jazz Is Dead 017

Jazz is Dead / Bigwax
Jazz Funk

Fils d’un chanteur de gospel, le pianiste Lonnie Liston Smith (à ne pas confondre avec Dr. Lonnie Smith, organiste émérite disparu voici bientôt deux ans) naquit le 28 décembre 1940 à Richmond, en Virginie. Il débuta à New-York, en sideman de pointures telles que Max Roach, Art Blakey, Roland Kirk, Pharoah Sanders, Gato Barbieri, Stanley Turrentine et Miles Davis, avant d’entamer en 1973 une prolifique carrière en tant que leader. Ses premiers enregistrements dans ce registre (sur le mythique label de Bob Thiele: Flying Dutchman) s’inscrivirent parmi les plus influents du jazz des seventies. Passant du piano acoustique au Fender Rhodes électrique, il contribua à l’évolution du genre, mais tandis que sa quinzaine d’albums à ce jour comptent parmi les plus échantillonnés par les générations successives de hip-hoppers, Lonnie n’était plus entré en studio depuis un bon quart de siècle. Tiré de sa semi-retraite par le producteur, compositeur et multi-instrumentiste Adrian Younge et son complice Ali Shaheed Muhammad, c’est avec un plaisir mêlé d’impatience qu’on le retrouve aujourd’hui sur leur catalogue Jazz Is Dead (après Roy Ayers, Gary Bartz, Doug Carn, Marcos Valle, Joao Donato, Azymuth, Henry Franklin, Tony Allen, Brian Jackson, Garrett Saracho, Phil Ranelin et Wendell Harrison). Ce retour en grâce et en beauté s’ouvre sur le frénétique “Love Brings Happiness”, propulsé par le drumming effréné de Greg Paul et la guitare acide d’un Adrian Younge en plein trip Santana/McLaughlin. Tandis que Lonnie y officie magistralement au piano acoustique, Ali Shaheed Muhammad assure les pistes de Fender Rhodes, et le chanteur Loren Oden les parties vocales. Le plus apaisé (et instrumental) “Dawn” propose une transition bienvenue avec “Cosmic Changes”, qui ramène Oden au micro sur des beats latino-soul arrangés, et Liston Smith au Fender Rhodes. Renouant avec bonheur jusqu’à la période antique où il accompagnait le regretté Pharoah Sanders, “Gratitude” voit Smith revenir au piano vers un jazz bop tranquille, avant que “Love Can Be” ne le présente dialoguant depuis son Rhodes avec le Hammond B3, la guitare électrique, la basse, le sax alto et  le synthétiseur de ce sorcier de Younge, ainsi que le chant suave d’Oden (évoquant ici le regretté Marvin Gaye, que Lonnie accompagna lors de sa tournée européenne en 1980). Proche de l’esprit (et du son) des Weather Report et Return To Forever d’antan, l’instrumental “Fête” nous projette, avec son funk joyeux, un demi-siècle en arrière, tandis que Greg Paul y cède les drum sticks à un autre habitué des sessions Jazz Is Dead, le batteur Malachi Morehead (déjà présent sur les albums de Brian Jackson et Doug Carn, dans la même collection). Avec leur flûte, leur wah-wah guitar, leur sax aérien et leurs nappes de Hammond B3 et de synthés vintage, les solaires “Kaleïdoscope” et “What May Come” perpétuent cette veine, au point que l’on pourrait y croire entendre deux valeureux outtakes de sa période Flying Dutchman, avant que ce superbe recueil ne se referme sur le non moins jubilatoire “A New Spring”. Tant que des érudits aussi pointus que ceux-ci s’obstineront à réactiver des artistes de cette stature, le jazz n’est pas prêt de mourir !

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, April 30th 2023

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