LITTLE BOB BLUES BASTARDS – WE NEED HOPE (VERYCORDS)

VERYCORDS
Blues-Rock
LITTLE BOB BLUES BASTARDS 2021 - We Need Hope

N’en déplaise aux pieds-nickelés du gouvernement, Little Bob nous revient avec un album que je qualifierais d’essentiel! Car l’art en général et la musique en particulier, qui fait le grand écart entre le blues et le rock’n’roll, interprétée avec force et conviction par Little Bob Blues Bastards, s’avère véritablement essentielle à notre bien-être au quotidien. On a un besoin vital de ces frissons, de ces montées d’adrénaline, de ces palpitations cardiaques, de la petite étincelle dans les yeux, parfois de la larmichette qui coule délicatement sur notre joue, que procurent la voix de Bob, lorsqu’il chante avec ses tripes et son cœur qui saigne sous le cuir de son blouson, telle une bête blessée aux abois, voire désespérée, au fin fond d’une forêt inexplorée et inhospitalière. Une sorte de loup hurlant (Howlin’ Wolf) ou de chien des Baskerville, qui déchire le silence assourdissant d’une nuit noire d’ébène à la croisée des chemins. Bon, je doute que nos élites, sous les lambris dorés des ministères et autres palais de la République, aient déjà connu de telles sensations, de telles jouissances, de telles ivresses, de telles érections cérébrales, physiques et incontrôlables que procurent le blues et le rock’n’roll. Non-essentiels disent-ils! Bande de béotiens sans vergogne… Que de chemin parcouru depuis que le jeune Roberto Piazza a débarqué au Havre avec ses valises, venu d’Alexandrie (Piémont), bien avant la déferlante Little Bob Story qui ira même faire trembler les anglais outre-Manche, distiller des leçons de rock’n’roll, d’authenticité, d’intégrité et surtout, se faire respecter. Aujourd’hui, à 75 piges, Bob reste toujours fidèle au Havre, à ses docks, à ses grandes avenues venteuses, à ses pavés mouillés et à son urbanisme imaginé par l’architecte Auguste Perret à la fin de la seconde guerre mondiale. Mais bien que fidèle à cette bonne ville portuaire de Normandie, longtemps considérée (et à juste titre!) comme la capitale du rock en France, avec un nombre incalculable de groupes (et des bons!) au m2, Bob n’oublie pas ses racines italiennes. “Je suis rital et je le reste”. Rassurez-vous mes amis, c’est le seul et unique parallèle que je ferai entre Claude Barzotti et Ti’ Bob! Pour un groupe de rock, mentionner Le Havre dans une biographie, c’était comme avoir la carte de membre d’honneur du Rotary-Club, avoir l’immunité diplomatique, avoir trois étoiles au Michelin, sortir de l’ENA avec un curriculum vitae alléchant ou être grand pontife ou grand maître au sein de la maçonnerie, mais celle-là sans pioche ni truelle. Indubitablement, c’était un gage de qualité pour les organisateurs de concerts, voire pour les escrocs marchands de bière tiède autant impliqués dans la musique, qu’un trader à la Société Générale ou qu’un inspecteur des finances publiques. Les havrais étaient des types passionnés, qui avaient bouffé leur pain noir au quotidien et même au-delà, suant sang et eau dans les caves humides de la Porte Océane, à répéter comme des meurt-de-faim, pour avoir une chance de s’en sortir et d’espérer autre chose, qu’une carrière chaotique et incertaine dans les docks ou dans la métallurgie chez Tréfimétaux, en rêvant de Martini on the rocks, d’Alfa-Roméo et des sunlights sur la plage de Marina di Pescoluse. Ce n’était pas encore Germinal de Zola, mais presque… Avec We Need Hope, Little Bob nous revient plus inspiré et plus convaincant que jamais, bravant les sarcasmes et l’injustice de la vie, avec un opus stratosphérique, un album XXL et toujours cette voix hors du commun, entre Howlin’ Wolf et Little Richard pour la puissance et l’émotion, entre Willy deVille et Southside Johnny pour le groove et le feeling. La voix d’un écorché vif pour le blues et celle d’un indécrottable rebelle pour le rock’n’roll. Avec le décès de Mimie, sa douce, sa tendre complice, le grand amour de sa vie, Little Bob aurait pu sombrer corps et âme dans les multiples addictions d’une rock-star désespérée et suicidaire, raccrocher les gants, se ranger des voitures et survivre bon an, mal an, dans les dédales d’un amour perdu et dans la nostalgie d’un glorieux passé rock’n’rollesque, à en devenir fou, comme un poilu qui contemplerait avec mélancolie, ses décorations gagnées lors de la sanglante bataille du Chemin des Dames en 1917, ou comme une rock-star oubliée, paranoïaque et aigrie, liposucée et liftée, qui tremperait ses croissants chauds dans un bol de Jack Daniel’s, avant de se rendre pour une énième séance chez son psychothérapeute. Never cry about the past. Nobody’s born to lose. The show must go on! Mimie l’a souhaité et Bob, en sa mémoire, l’a fait, avec un courage exceptionnel. Depuis 2012 et la création du concept Little Bob Blues Bastards, je trouve que ce magnifique album sonne un peu plus rock’n’roll par rapport aux précédents. On y retrouve bien évidemment toujours ses sempiternelles influences allant de Howlin’ Wolf à Robert Johnson, en passant par Otis Redding, Tom Waits, Captain Beefheart, Sam & Dave, John Trudell et tous les chants tribaux amérindiens, sans occulter le bon vieux rock anglais des 60’s, entre Rolling Stones, Kinks et Sorrows… Comme Bob le dit lui-même, il adore le blues, il aime se l’approprier, le triturer, le bidouiller et lui tordre le cou. Et ce cocktail détonnant, cette sublissime mixture du Docteur Piazza donne aujourd’hui We Need Hope, un album majeur à acquérir d’urgence et à consommer sans aucune modération, c’est la bonne médecine et le garde-fou qui s’impose en cette sombre et difficile période liberticide, au sein de laquelle l’expression artistique est en danger et nos libertés fondamentales fondent comme neige au soleil, avec la bienveillance des grands médias.
Libero! Ce titre de Little Bob reprend en cette période trouble, toutes ses lettres de noblesse. Si la quasi-totalité des titres sont signés comme à l’accoutumée de la plume alerte de Roberto Piazza himself, on retrouve cependant quelques adaptations du meilleur effet, comme “Bella Ciao”, la célèbre BO de la série Netflix La Casa De Papel, excellent thriller d’Alex Pina. A la base, il s’agit d’un chant de révolte antifasciste italien, avec des paroles écrites fin 1944, qui est au fil des ans, est devenu un hymne à la résistance dans le monde entier. Un titre qui colle bien-entendu à la peau de Little Bob, comme le sparadrap du Capitaine Haddock, lui l’inlassable épris de justice et de liberté. “Natural Born Boogie” est une reprise d’Humble Pie, le groupe de Steve Marriot, ex Small Faces, “Where Have All The Good Times Gone” une reprise des Kinks de 1965, bien évidemment signée Ray Davies et pour conclure le remarquable titre “Freedom” du regretté Richie Havens, formidable chanteur engagé de pop-rock originaire de Brooklyn (New-York), hélas décédé d’une crise cardiaque à son domicile le 22 avril 2013. C’est complètement subjectif de ma part, mais mon titre préféré, même si je les adore tous et que dans cet album, il n’y a rien à jeter, reste quand même “You Can’t Come-Back”, en hommage à Mimie. Un titre qui me remue au plus profond de mes cinq sens, et même au-delà, ceux dont je suis désespérément dépourvu, ceux que mon subconscient n’a encore jamais oser explorer, même dans mes rêves les plus insensés. Un titre qui tire les larmes, serre le cœur et fait sortir les kleenex à se noyer le nez dans sa bière, comme dans un cri de désespoir. Le blues conjugué à tous les temps, le blues dans son sens le plus noble étymologiquement et le plus mélodrame, dans la lignée d’un film de Raffaello Matarazzo. Un titre à donner le frisson, un titre autobiographique bouleversant. Je citerais également “Looking for Guy-Georges”, titre dédié au guitariste légendaire de la Story, Guy-Georges Gremy, appelé aussi familièrement “le chinois”. Enigmatique GGG qui a totalement disparu des écrans radars, du côté de Nice Baie Des Anges, où aux dernières nouvelles il donnait des cours de guitare. Un mystère qui hante les nombreux fans inconditionnels de Little Bob Story, une énigme franco-asiatique qui pourrait être sortie de la fameuse série X-Files: Aux frontières du réel. Faudrait-il envoyer les deux fins limiers du FBI, Fox Mulder et Dana Scully enquêter sur la french riviera? En résumé, Little Bob est toujours doté d’une voix les plus reconnaissables au sein du microcosme du rock hexagonal et même au-delà de nos frontières. Son chant est toujours fougueux, poignant, accrocheur, sans aucun calcul vénal et son âme chevaleresque et pure n’a pas changé d’un iota. Bob demeure un rockeur unique et intemporel, qui a su faire évoluer sa musique, sans pour autant renier son glorieux passé du milieu des années 70, où son rock était un tantinet plus speed, ni suivre les modes du moment avec opportunité! Ses fidèles Blues Bastards sont bien évidemment présents pour sublimer le blues de Little Bob: l’incontournable Gilles Mallet à la guitare, qui joue avec Bob depuis le début des 80’s et l’album LBS Vacant Heart, une sorte de riffeur fou façon Keith Richards, le légendaire Mickey Blow et ses chemises à jabots à l’harmonica, qui a joué entre autres avec Les Stunners, Johnny Thunders, Dick Rivers, Le Dahlia Noir, etc, Nicolas Noël au piano et Bertrand Couloume à la contrebasse, deux musiciens subtils et expérimentés, qui viennent du jazz et qui apportent une touche glamour et bluesy à la musique de Bob, Jérémy Piazza et Matthieu Poupard aux drums, qui assurent le tempo avec une précision chirurgicale, aux antipodes des batteurs bûcherons. We Need Hope s’impose comme une évidence, un album important et incontournable au sein de la prolifique discographie de Bob, depuis Don’t let me be misunderstood ou High Time. S’il y avait trois albums de Bob à emporter sur une île déserte, je dirais, même si le choix est cornélien: Living In The Fast Lane, Lost Territories et We Need Hope. Little Bob s’avère de plus en plus précieux, sa cause est juste et il s’impose comme l’une des dernières légendes du rock-blues français. Je pourrais aisément en citer trois ou quatre autres, mais sincèrement, des mecs de cet acabit, des musiciens-chanteurs de cette dimension, ne sont pas légion par les insipides temps qui courent, où tout est aseptisé et édulcoré. Tout simplement merci à Bob d’exister et de continuer l’aventure contre vents et marées.
Album indispensable, chaudement recommandé, émouvant et aux antipodes du politiquement correct. Tendres pensées à Mimie, qui de là-haut sur son nuage, doit-être très fière de son Bob et du résultat de cet album, qui dépasse toutes nos attentes! Bref, un authentique chef-d’œuvre. Alors, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, April 11th 2021

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LITTLE BOB BLUES BASTARDS – “We Need Hope” (Official music video):

A retrouver sur le site web du label Verycords, ICI

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Et… Une photo souvenir d’un passage à La Boule Noire…. Y’a pas si longtemps que ça….
Respect, ‘Monsieur’ Little Bob!
Photos: ©Frankie Pfeiffer