Lise Cabaret – La vie est belle, il faudra qu’on s’y fasse

La Belle Enragée – InOuïe Distribution
Chanson rock
Lise Cabaret - La vie est belle, il faudra qu'on s'y fasse

Encore un superbe album de chansons françaises teintées de rock, ou plutôt de rock saupoudré avec délicatesse de chansons françaises estampillées de qualité supérieure, AOC telle une bouteille de Côte-Rôtie, de pop-rock et de folk, avec un nuage de guitares manouches et d’airs folkloriques des Balkans pour le côté exotique et la liberté d’expression artistique tous azimuts, un opus fraîchement disponible dans les bacs des meilleurs disquaires, un pur joyau de poésie urbaine sous-jacente que l’on pourrait aisément chiner Place Vendôme, au milieu des pierres précieuses et scintillantes de chez Boucheron, Chaumet ou Van Cleef & Arpels. Je veux bien entendu parler du nouvel album de la belle et talentueuse Lise Cabaret, intitulé sobrement mais avec audace La Vie Est Belle Il Faudra Qu’on S’y Fasse.
Qu’on se le dise, il va falloir s’y faire, n’en déplaise aux marchands de cauchemars et autres VRP du stress en tous genres! Malgré la sinistrose ambiante des petits matins blafards, le blues du dimanche soir et des devoirs de maths non-faits, le spleen des rendez-vous manqués, le vague à l’âme des amours déchus sur un quai de gare avec des hectolitres de chaudes larmes à sortir les Kleenex et à se noyer le nez dans sa Jupiler, les trahisons diverses et variées dont on se relève KO comme un boxeur après un uppercut, avec l’âme endolorie et le cœur qui saigne, l’alarmisme calculé et délibéré des JT de 20h00 qui nous feraient presque croire aux Croque-Mitaines, au chant des sirènes d’Ulysse et au chien des Baskerville, voire le cynisme et le mépris de nos élites envers les petites gens, qui à leurs yeux ne sont rien et qui ne seront jamais des premiers de cordée tel Roger Frison-Roche lors de l’ascension du Mont-Blanc dans son versant sud.
Lise Cabaret quant à elle, malgré ses textes hyperréalistes que n’aurait pas abjurés la môme Piaf en personne et en sa qualité de témoin privilégié d’une société qui vacille, a choisi de voir la bouteille à moitié pleine et la lumière au bout du tunnel, tout en maniant avec allégresse et sensibilité la poésie rock et la chanson réaliste dignes des Hubert-Félix Thiéfaine, Jacques Higelin, Brigitte Fontaine, Barbara,  Paul Péchenart, Tony Truant, Sansévérino, Yves Jamait, Mano Solo, Christine Lidon avant sa présidence de la SACEM, Tina Rose ou encore La Grande Sophie avec laquelle je ressens énormément de similitudes avec l’œuvre, la musicalité, les textes et la philosophie de Lise. Et j’ajouterais même la québécoise Linda Lemay pour ses chansons à histoires, à l’instar de celle de Lise Cabaret. Oui, oui, j’assume pleinement ce parallèle et je certifie sur l’honneur être sain de corps et d’esprit au moment où j’écris cette chronique, avec la sobriété absolue d’un dromadaire dans le désert de Gobi, malgré ma bouteille de Single Malt qui me fait les yeux doux. Comme si, pour ainsi dire, Lise Cabaret s’était installée durant de longues heures voire  des jours durant, aux terrasses des cafés des rues Daguerre et Raymond Losserand dans le 14ème arrondissement de Paris et celles de la Croix de Chavaux à Montreuil, afin d’observer inlassablement et subrepticement ses contemporains, comme d’autres observent les oiseaux migrateurs, les anneaux de Saturne ou la salle de bains de leur voisine d’en-face et ainsi de contempler la vie de passage furtif sur l’asphalte, anonymement voire clandestinement, l’école de la rue en somme, avec ses mystères, ses us et coutumes et sa poésie à fleur de peau, afin de trouver l’intarissable inspiration, de déclencher le plan ORSEC au sein de son imaginaire et laisser glisser sa plume alerte et couler l’encre de couleur noir d’ébène sur son grimoire, qui comme pour une hémorragie artérielle, rien ni personne ne pourra endiguer, même pas le plus ignare des béotiens, excepté le garrot du secouriste.
Lise Cabaret s’est imposée comme le Haroun Tazieff du macadam en fusion et l’Alfred Hitchcock des obscurs dédales qui conduisent aux rêves chimériques. La rue, le vent qui s’y engouffre sournoisement afin de nous rappeler  aux affres de l’hiver, les réverbères et leurs lumières célestes qui rassurent et prouvent aux plus anxieux et aux plus fragiles d’entre-nous que le jour se lèvera encore et toujours, malgré les éléments parfois déchaînés et la folie des hommes, les poulbots du ruisseau de Montmartre entre Gavroche et Aristide Bruant, les arrière-salles enfumées de bistrots, le zinc de la salle du bar-tabac de la rue des Martyrs tôt le matin à l’heure du café et du PMU ou tard le soir à l’heure du poker, du pastaga et du 421 pour une clientèle interlope, avec les indécrottables vieux rockers de la rue de Paris à Montreuil, chats plus sauvages que jamais, gominés à souhait malgré la cafetière qui se déplume au fil des années et à qui on a sciemment caché la mort d’Eddie Cochran et de Gene Vincent durant plusieurs décennies, comme par pudeur, comme un secret d’Etat, comme si la vie s’était arrêtée, pour ne pas briser leurs rêves illusoires, eux qui pensaient leurs héros immortels, tous ces endroits d’échanges et de convivialité et tous ces acteurs d’un cinéma en noir et blanc en voie de disparition, comme si Humphrey Bogart et Lauren Bacall se filait aujourd’hui rencard au métro Robespierre, sous l’œil bienveillant et la moustache virile de Johnny Montreuil… Ils sont les meilleurs lieux et les meilleurs complices, du savoir et d’enrichissement intellectuel, bien plus efficace que d’user ses jeans de chez Prada ou les semelles de ses Repetto, sur les bancs et dans les travées des amphis de Sciences Po ou de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
De toute cette utopie collective sur fond de rock’n’roll et de romantisme des faubourgs, Lise Cabaret en est sortie majore de promo avec les félicitations du jury et quelques Grammy Awards dans son escarcelle. Avec La Vie Est Belle Il Faudra Qu’on S’y Fasse, Lise Cabaret nous a mitonné un album sublime, un savoureux cocktail entre mélancolie contrôlée, nostalgie maîtrisée, humour dévastateur et sarcastique, autodérision de reflet de miroir ou de face-à-face avec soi-même, mais toujours avec un optimisme compassionnel et extraverti, malgré les flèches, les pamphlets et autres coups de tomahawk bien envoyés à qui de droit. Car cet opus est avant tout une longue allégorie de l’amour et de ses sarcasmes. L’excellentissime Lise Cabaret s’avère être une auteure-compositrice-interprète et multi-instrumentiste (guitares-flûte irlandaise, piano, banjo) de grande, de très grande envergure. Une véritable esthète dans sa définition la plus noble, avec la culture rock en guise de profession de foi, un petit bout de femme intensément et viscéralement rock, une artiste plurielle qui force le respect. Pour cet album, Lise s’est entourée de quelques pointures, le nec plus ultra des musiques à feeling. On retrouve entre autres l’incontournable et remarquable Hervé Legeay aux guitares, fine gâchette oscillante entre rock débridé et jazz manouche, entre Django Reinhardt et les Ramones. Ex leader des Nights et Stepping Stones, Docteur ès rock non conventionné, il est le fidèle complice de Sansévérino depuis plusieurs années, jusqu’au fameux et unique trio d’improvisations rock Le Gippiz (Sansévérino-Legeay-Hanela ex batteur de Trust), dont l’album The Yiddish Ralouf Love Album, récemment chroniqué dans ces colonnes par votre serviteur, est en vente dans toutes les bonnes pharmacies. Le génial Stéphane Sansévérino qu’on ne présente plus (banjo-guitares-basse), qui apporte toute son expérience et toute sa générosité artistique, ainsi que la chaleur napolitaine coulant dans ses veines. Figure de proue du jazz manouche et pierre angulaire d’un rock périurbain et d’une country music omnipotente et virevoltante, il fait le grand écart entre le Dieu Django et Johnny Cash, et pourrait sans conteste renvoyer un Thomas Dutronc illico presto à ses chères études. Sansévérino semble avoir pris l’étincelante Lise Cabaret sous son aile protectrice d’aigle royal de Californie, un peu comme le grand-frère rital qui surveille étroitement sa sœur enfourcher son scooter Lambretta, afin de rejouer la Dolce Vita entre deux Martini on the Rocks, mais sans suivre le scénario de Federico Fellini, ou bien comme un bodyguard affûté et aux aguets, Ray-Ban et costard Smalto, prêt à dégainer son 9mm Parabellum à la moindre occasion et sans parcimonie. Citons également Mathieu Bézian à la basse et les violons de Christophe Cravero et Alex Deville.
On peut citer quelques-uns des 10 titres originaux qui composent cet album: L’Année Denière où la difficulté de se situer dans l’espace-temps, Monomanie avec des harmonies vocales exceptionnelles pouvant faire penser aux Calamités, aux Dogs ou au groupe américain de la fin des 60’s Ohio Express. Le Bus De Nuit, un morceau groovy, funky, avec des paroles débitées à vitesse grand V, comme savent très bien le faire Sansévérino ou Michel Jonasz. Un titre à se déhancher et à oublier son Arthrose et sa rotule en titane, sous les lumières psychédéliques des stroboscopes. Sans oublier la cerise sur le gâteau avec le titre Blackout, le trou noir après une cuite mémorable, titre pleinement autobiographique dans lequel chacun peut aisément se reconnaître, morceau qui transpire les vapeurs d’alcool, le tabac froid, la gueule de bois et le Doliprane 1000…
Cet album d’une totale réussite, a été enregistré entre la Gascogne et le studio Narvalo de Montreuil, peaufiné et masterisé notamment au célèbre studio Ferber à Paris XXème. Montreuil étant devenu à mon sens la Capitale du rock underground et de l’art pluridisciplinaire et cosmopolite. Un peu comme une excroissance avec le Belleville ou le Ménilmontant d’antan, comme si on avait volontairement poussé les autochtones, les meubles et les percolateurs de l’autre côté du périph. Quelle classe, Lise Cabaret! Quelle élégance naturelle entre Chrissie Hynde des Pretenders et Fabienne Shine de Shakin’ Street pour le physique et La Grande Sophie pour le verbe de bon aloi. Avec un tel patronyme, on imaginait mal Lise ne pas épouser une carrière de saltimbanque, guitare en bandoulière, et vendre des cravates devant les Galeries-Lafayette ou des aspirateurs chez Darty. Sa voix suave et sensuelle vous donnera le frisson et vous remuera les tripes au plus profond de vos entrailles. Et sa guitare vous envoûtera et vous subjuguera au point d’en devenir accro. En espérant vivement que certains de ses titres passeront sur les radios de la bande FM, à l’heure du laitier, d’aller faire pisser le Bouledogue, du Mascara et du Blaireau et pas seulement sur les radios élitistes comme FIP, France Inter ou encore Fréquence Paris Plurielle… Lise doit toucher un public le plus large possible, de la ménagère de 50 ans en bigoudis au jeune cadre dynamique qui s’éclate en trottinette sur le Parvis de La Défense, en passant par le chômeur de longue durée, en Marcel et Charentaises, buvant son Viandox ou sa Chicorée tout en étudiant attentivement son Paris-Turf. Et comme disait Brassens, autre légende du 14ème et de l’Impasse Florimond, même si Cupidon s’en fout, je recommande chaudement le nouvel album de Lise Cabaret, cette amoureuse invétérée de Paname, comme un certain Renaud, non pas Line, Séchan! Un disque que je qualifie même et sans aucune hésitation préalable d’INDISPENSABLE, pour soigner les maux, les bleus à l’âme et autres ecchymoses invisibles et sous-cutanées! INDISPENSABLE pour ceux que la vie a cabossés, comme le casque d’un poilu rescapé de l’enfer du chemin des Dames… Bravo et merci à Lise Cabaret pour son univers musical d’une incroyable richesse et pour cet album qui peut faire figure d’OVNI, à l’ère des productions formatées et aseptisées.

Serge SCIBOZ
Paris-Move

PARIS-MOVE, March 2nd 2024

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Album à écouter sur Youtube, ICI

A commander en clef USB sur son Bandcamp, ICI

Website

Concerts (autres dates à venir et à consulter ICI):
Samedi 16 mars : Hommage à Bashung dans le 18e avec 3 autres groupes/ Parc Bashung/ PARIS 18e
Vendredi 29 mars : Péniche du lapin vert/ JOINVILLE-LE-PONT (94) avec Sanseverino
Samedi 30 mars : La buissonnière/ Courzieu (69) en trio
Dimanche 31 mars : Le café convert/ Saint-Pal de Mons (43) en trio
Vendredi 8 avril : La Caval’art/ TAIN-L’HERMITAGE (26)
Mardi 16 avril : L’Auguste Théatre/ PARIS (11e) Concert de sortie d’album ! En trio bien sûr (+ guests)
Samedi 27 avril : Le PasSage/ Romans-sur Isère (26)
Samedi 08 juin : Festival de la pointe de Pordic/ PORDIC (22)
Vendredi 14 juin : VISAN (84) avec Sanseverino
Dimanche 25 août : Festiv’Hall/ AZÉ (71) en duo

https://www.youtube.com/watch?v=9LTjXxR0x8w&list=OLAK5uy_n_DqoJmr1gK6FH_HQvBriHad6AJAHfbsw&index=3