LES VIEUX BRISCARDS DU BLUES – Sunlight Boogie

Autoproduction
Blues
LES VIEUX BRISCARDS DU BLUES - Sunlight Boogie

Ces trois lascars surnommés LES VIEUX BRISCARDS DU BLUES ne nous sont pas inconnus, jugez donc du pédigrée et des états de service… Ce Girondin qui se fait appeler Raoul Ficel, par exemple, mais que l’état civil connaît plutôt sous l’identité de Philippe Coudougnan. Baroudeur et enfumeur de première, il apparut sous divers emplois (guitariste ou comédien, mais toujours saltimbanque en somme) et lieux variés (depuis les Landes jusqu’au Bordelais et à la Corrèze, sans oublier un séjour en Suisse, base arrière d’où il accompagna lors de leurs pérégrinations européennes d’autres interlopes notoires, tels que Big Time Sarah, Louisiana Red ou Tommy McCracken). Sans doute dans le but (toujours suspect) de brouiller les pistes, il se produisit aussi sous divers pseudonymes farfelus (dont celui de Big Bone & Spaghetti Leg, duo où il eut pour comparse un joueur de contrebassine), avant de se commettre auprès de la chanteuse Flora Estel au sein du Little Big Band, formation swing d’un autre de ses partners in crime, le dénommé Hot Pepino. Pianiste émérite, autant à l’aise dans le blues que le jazz et le boogie woogie, ce dernier dissimule sous sa mise soignée et débonnaire un tempérament de spadassin. Quant à Cadijo (Jean-Pierre Carraro, harmoniciste et cadre sportif d’après sa fiche aux Renseignements Généraux), ce franc-tireur de la scène blues française a déjà livré pas moins de huit albums sous cette identité en une vingtaine d’années, tout en se prêtant à de fructueuses collaborations autour du monde. Il a ainsi accompagné le pianiste chicagoan Johnny “Big Moose” Walker lors de son séjour à Toronto, puis Keith B. Brown six ans durant au fil de ses tournées européennes. Ayant depuis réintégré ses pénates gasconnes, il ne dédaigne pas accommoder à sa sauce blues des classiques de la chanson française (de Nougaro à Brassens, et de Dutronc à Trénet et Gainsbourg). Bref, rien d’étonnant à retrouver ces trois-là réunis au sein des VIEUX BRISCARDS DU BLUES, puisqu’il paraît selon l’adage que qui se ressemble s’assemble… Hormis la plage titulaire (signée Flora Estel), le répertoire qu’ils interprètent ici se compose exclusivement de classiques du Chicago blues des années 50 et 60 (à l’exception d’une cover bienvenue de Nat King Cole). L’instrumental introductif, “Sunlight Boogie” offre à chaque protagoniste l’occasion de démontrer l’étendue de ses talents. Porté par le drumming alerte de Bastien Cabezon, le trio y témoigne un plaisir palpable et gourmand. Cadijo chante ensuite le “Blues Leave Me Alone” de Jimmy Rogers (une resucée de son propre “Blues All Day Long”). Tandis que Raoul épouse à s’y méprendre les parties de six cordes de l’original, Pepino en fait autant avec celles du regretté Otis Spann, et Cabezon synthétise avec brio les drives respectifs de Freddie Below et Elgin Evans. Mais ce sont les choruses d’harmonica de Cadijo qui impressionnent le plus. Ce dernier délivre en effet l’une des plus belles restitutions du jeu habité de Big Walter Horton, avant de réitérer la même performance avec celui de Rice Miller sur son “Keep It To Yourself”, et de Little Walter pour son fameux “Blues With A Feeling”. Nous avions déjà eu l’occasion de louer ses capacités d’instrumentiste, sans avoir pu hélas le réentendre en pareil contexte depuis trop longtemps. Cette formule de combo classique permet de redécouvrir quel remarquable styliste il demeure. Parfaite connaissance de l’idiome, impeccable phrasé, maîtrise du son et sens inné de l’intervention et du timing: ce Gascon aurait fait un malheur à Chicago au siècle dernier! Muddy Waters en personne aimait reprendre Big Bill Broonzy, auquel il avait même consacré un album entier en 1959. C’est en s’inspirant de sa propre version de ce titre que nos Briscards adaptent ensuite “Mopper’s Blues”, avant de se lancer avec la nonchalance qui sied dans une cover du célèbre “Honest I Do” de Jimmy Reed (avec un concis mais cinglant chorus des six cordes de Ficel). Le swing s’invite à table pour le “I Think You Got What I Mean” de Nat King Cole, et c’est évidemment Pepino qui s’y réserve la partie vocale (et s’y fend d’un solo digne d’Erroll Garner), tandis qu’un bassiste y renforce le quartet. Tant qu’à swinguer, le “Temperature” de Little Walter et le “Sloppy Drunk” de Jimmy Rogers se voient administrer le même traitement. Cabezon frotte ses balais, et ses comparses remuent leurs popotins en cadence. Hot Pepino et et Cadijo s’en donnent à cœur joie, tandis que Raoul assure la pompe, mais voici qu’il semble déjà temps de conclure. C’est sur le “That Ain’t It” de Walter Horton que nos amis chosissent de nous quitter, et on est bien d’accord avec ce titre: vous n’allez pas vous en tirer comme ça. Vieux, pas encore, mais Briscards assurément: voici en effet l’un des tout meilleurs CDs de Chicago blues produits dans l’Hexagone! Quand nous remettrez vous donc la même chose?

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 20th 2020

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“Sunlight Boogie”: Album disponible sur demande en mp sur la page Facebook ci-dessous ou à l’adresse mail: vieuxbriscardsdublues@gmail.com

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