| Folk |
C’est l’histoire d’une dizaine de barbus qui se réunissent pour célébrer leur patrimoine et leurs valeurs. Et cela rien à voir avec un quelconque extrémisme religieux. Sauf à considérer que commémorer la culture ouvrière puisse relever d’un culte quelconque. Car par-delà le véhicule artistique dont ils se sont dotés, c’est bien du prolétariat et de ses multiples deuils que témoignent Les Mécanos. Fondé à Saint-Étienne en 2018, cet ensemble choral se présente sur scène en tenues de labeur, et accompagne ses chants de percussions d’outillage (marteaux, tournevis, pinces, limes…). Et son répertoire est bien à leur image: chansons de lutte, chansons à boire, critiques politiques, religieuses ou bien hymnes anti-guerre, comme le célèbre “Tartarassa Ni Voutor”, composé au XIIe siècle par le troubadour Peire Cardenal. Les Mécanos ont sorti leur premier EP 5 titres en 2021. Certains y sont chantés en occitan, d’autres en français, avec une ouverture permanente sur diverses régions de France. On y vogue ainsi de la Haute-Savoie, à l’Auvergne en faisant un modeste détour plus au nord, vers Saint-Dizier en Champagne, pour narrer les aventures (ou plutôt mésaventures) du prince d’Orange: une chanson qui date du XVIe siècle, et fut popularisée (entre autres) par les néo-folkeux de Malicorne en 1973, ou encore par le groupe breton HIKS en 2014. Certaines chansons reprises par cette troupe sont aussi de vraies découvertes. À la manière de leurs grands-parents, qui alternaient dans une même conversation le français et le patois, Les Mécanos s’expriment dans ces deux langues, quitte à les mêler parfois. Sorte de croisement entre I Muvrini, les Fabulous Trobadors, les Compagnons De La Chanson et les Tambours Du Bronx, Les Mécanos réinventent donc ici une forme de folk urbain, en perpétuant la mémoire et l’héritage d’une classe ouvrière délaissée par la désindustrialisation de leur région. On y songe à ces chants de lutte dont Lluis Llach, Gaston Couté et les républicains de la Guerre d’Espagne surent se faire l’écho (“Demain Matin”, “Les Canuts”, “Los Paures”, “Compagnon”, “L’Aura Bofet”), tandis que polyphonies et contre-chants s’avèrent en tout point admirables.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, November 12th 2024
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