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Déjà, la pochette vous accroche l’œil, et c’est un signe, fort, avec ce lapin aux dents d’un blanc pour pub de dentifrice, cet œil énorme qui rayonne, qui obsède, qui attire, et ce sperme interstellaire, cosmique. Signes annonciateurs que la galette n’est pas du tout venant, du fond de tiroir, du réchauffé ou du replâtré. On enfile le disque argenté dans la fente et on relit le nom du groupe, ou du mec qui vous propose ça, un dénommé Lee Harvey Osmond. Avec un prénom qui rappelle furieusement celui d’un assassin aussi connu que sa victime, un certain J.F.K.. C’est vrai que jusqu’à l’os on a comme une sensation de déjà entendu, mais y’a du ‘mond’ en lieu de place de ‘wald’, et comme trois lettres ça vous change tout, ou presque, on appuie sur ‘play’.
Mais je connais des requins qui n’auront pas attendu la surprise de la première écoute et qui se sont déjà précipités sur YouTube ou sur Google pour savoir qui se trouve derrière LHO (pour faire plus court que Lee Harvey Osmond, excusez!) car l’été dernier, déjà, une série de vidéos étranges avait commencé à circuler sur le net. Tournées autour d’Hamilton, dans l’Ontario, elles montraient un guitariste hirsute, habillé dans un costume couleur vert disco, figé sur place, tandis qu’un jeune homme dansait furieusement autour de lui en mimant des gestes très expressifs et très tendances.
Attribués à Lee Harvey Osmond, ces clips laissaient à deviner qui pouvait être le fameux guitariste statique: un dénommé Tom Wilson, celui-là même qui joua dans Junkhouse puis dans Blackie and The Rodeo Kings en compagnie de deux compères, Stephen Fearing et Colin Linden.
Toute la difficulté, avec Tom Wilson, c’est que le bonhomme se moque totalement des codes du business de la zik et qu’il ne cherche nullement à mettre son nom en avant. Allez ensuite comprendre pourquoi les gens froncent du sourcil lorsque vous leur dites que LHO c’est Tom Wilson.
Allons-y donc pour LHO, piske la couv est siglée Lee Harvey Osmond.
Dès les premières notes du premier titre, ‘Love Is One’, on comprend de suite que l’objet n’est pas un fond de tiroir recyclé mais quelque chose pour lequel faudra très vite virer tout ce qui traîne sur la commode et sur les platines car rien que cette chanson a besoin de place, d’espace. Cela vous jaillit des enceintes façon sperme interstellaire et le CD vous fixe du regard comme l’œil du lapin de la couv du livret. Le rythme est obsédant, chamanique, et Tom Wilson vous entraîne dans une musique qui vous replonge tête la première dans les racines du folk. Les plus profondes, les plus fortes, les plus intenses.
Produit par Michael Timmins, guitariste des Cowboy Junkies, groupe qui participa également à l’enregistrement, cet album est non seulement un retour mais une renaissance de la folk music telle qu’elle était, directe et sans détours, avant d’être gangrénée par les amabilités, la pop et les arrangements sirupeux.
Sur ‘A Quiet Evil’, chaque chanson vous fera dresser les poils, vous fera regretter que chaque titre ne dure pas plus longtemps, vous fera vivre ce qu’est la folk music, la vraie de vrai.
Et à tous ceux qui doutent, ne serait-ce que l’espace d’une seconde, de ce que pèsera cet opus, je leur envoie ‘I’m Going To Stay That Way’ et ‘Angels In The Wilderness’, sublimes chansons qui vous décollent la pulpe du fond, et ‘Parkland’, une chanson à la construction étonnante et qui vous raconte l’assassinat de J.F.K., justement, et vécu par les yeux de l’assassin, le fameux Lee Harvey Oswald, le fils de JFK, John John, et la mère de JFK, entre autres. Une chanson que Tom avait écrite pour Michael Timmins et qu’il a glissée ici, pour bien marquer cette volonté de folk-revival.
Deux reprises aux sonorités interstellaires vous cloueront sur votre siège: ‘Lucifer’s Blues’, que la voix rauque de Tom rend plus envoûtante encore, et cette lumineuse interprétation de ‘I Can’t Stand It’ qui donne un autre éclairage à ce titre du Velvet Underground.
Avec Tom Wilson, le folk n’est pas mort, il revit !
Frankie Bluesy Pfeiffer
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