Livre

Mickaël Launay, diplômé de l’Ecole Normale Supérieure, docteur en mathématiques et vulgarisateur connu par sa chaîne YouTube Micmaths, nous entraîne dans une très agréable balade dans l’Histoire à travers le monde au gré des découvertes, des besoins de concepts mathématiques… On démarre au Paléolithique (on peine à imaginer que des maths se cachent dans la taille du silex) avant d’embarquer vers l’Antiquité en Mésopotamie, en Grèce Antique, en Egypte, aux Indes… puis voyager au Moyen-Age avec le célèbre Fibonnacci sans oublier les Temps modernes avant de terminer par les mathématiques les plus contemporaines.
La lecture est passionnante dans la mesure où l’auteur révèle le sens des mathématiques en explicitant les questions pratiques qui ont suscité la naissance d’un concept, les défis techniques auxquels les populations ont été confrontées et pour lesquels les mathématiques ont pu apporter des réponses fiables. On comprend ainsi comment le développement des premières villes ont nécessité l’invention des nombres, et quels ont été les procédés mis en œuvre pour les écrire.
Bien sûr, l’auteur nous entraîne à découvrir les différentes branches des mathématiques, comment elles sont nées et surtout les liens qui les unissent (arithmétique, géométrie, algèbre, analyse, statistiques…). La géométrie de Thalès, Pythagore, Ératosthène, et Archimède répond tout d’abord à des questions concrètes, celles de partages et de la superficie des champs. La géométrie est assez géniale: elle permet de résoudre plus facilement des problèmes et de prouver des propriétés arithmétiques par des considérations sur des formes… Sur d’autres aspects, c’est la géométrie qui va nécessiter les apports de l’algèbre.
Enfin, notre connaissance de plus en plus pointue du monde acquise par le biais de la physique, est souvent un catalyseur de recherches mathématiques pour la mise au point d’outils: l’étude de la trajectoire de comètes, la découverte de Neptune grâce à la puissance des équations et travaux du mathématicien français Urbain Le Verrier, recherches en océanographie pour comprendre les courants marins, ou calculs en aéronautique… Il est même question des interactions avec l’art car le mathématicien s’intéresse au “beau” (par exemple l’ensemble de Mandelbrot).
Ce livre est aussi une belle balade dans Paris, c’est clair qu’on ne verra plus la Géode de la Villette ni le Musée du Conservation National des Arts et Métiers du même œil ! Il y a fort à parier que votre prochaine promenade au Musée du Louvre vous invitera à chercher les frises géométriques des premières céramiques pour vérifier les symétries et les transformations qui donnent les invariants.
Le saviez-vous ? Les chiffres de 0 à 9 ne sont pas “les chiffres arabes” comme on a coutume de l’entendre. Ce sont en fait les savants indiens qui mettent au point cette façon d’écrire les chiffres, notamment Bhāskara qui les utilise pour décrire ses travaux scientifiques.
Saviez-vous, qu’en Grèce antique, la mesure des distances était l’affaire des bématistes : des hommes qui marchaient sur plusieurs milliers de kilomètres en comptant leur pas!
Saviez-vous que l’inventeur des joints de Cardan, est aussi celui qui a, le premier, utilisé la notion de nombres imaginaires pour résoudre l’énigme des racines de nombres négatifs ? L’Italien milanais Gerolamo Cardano, au XVIe siècle, cherchait à résoudre des équations du 3e degré et a donc imaginé cette notion des nombres complexes. Géniale astuce, quand on sait toutes les résolutions d’applications physiques qui en découlent. Pour le lien l’histoire des joints, Cardano invente un système permettant de stabiliser les boussoles embarquées sur des navires.
En un mot, voici un ouvrage agréable à lire pour passer, peut-être contre toute attente, de bons moments sur la route des mathématiques.

Pascale Baugé
Le Monde et Nous / PARIS-MOVE

PARIS-MOVE, June 8th 2019

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