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“Sonidos” de Lauren Henderson: une exploration envoûtante de l’identité, de l’émotion et de l’évolution.
Les albums de Lauren Henderson s’enchaînent comme les pages d’un journal intime, liés par la voix et la vision, mais chacun doté d’une tonalité et d’une intention qui lui sont propres. Parfois, ses parutions ont pu sembler inégales, comme des étapes transitoires dans le parcours d’une artiste en perpétuelle métamorphose. Mais Sonidos, son dernier opus et sans doute le plus émouvant à ce jour, révèle la pleine mesure de son art avec une profondeur rare et une sincérité personnelle. Plus qu’un simple disque, c’est une traverse, à la fois linguistique, musicale et spirituelle.
Dès les premières notes, Sonidos (“Sons”) s’impose comme une cartographie émotionnelle minutieusement élaborée. À travers dix-sept titres chargés d’émotion, Henderson ne se contente pas de chanter: elle invoque. Chaque morceau devient une incantation onirique, façonnée par la chaleur virtuose de sa voix et par une interprétation délibérée, nourrie par l’héritage culturel dont elle est issue. Puisant dans les riches traditions de la diaspora africaine et de la musique latino-américaine, elle compose un univers intime et profondément personnel.
C’est une Lauren Henderson à fleur de peau que l’on découvre ici, livrant un disque d’une rare sincérité. Les morceaux sont choisis avec soin, interprétés avec une vision singulière qui transcende les codes du genre. Plutôt que de s’en tenir à une simple reprise ou à l’exercice de style, Henderson s’approprie chaque chanson avec une clarté artistique remarquable, conférant à l’album une atmosphère d’une cohérence et d’une puissance émotionnelle admirables. Un disque qu’on n’écoute pas seulement: on le ressent.
Depuis son arrivée sur la scène new-yorkaise en 2009, cette chanteuse-auteure-compositrice bilingue n’a cessé de brouiller les frontières musicales. Sa voix, tant dans le timbre que dans l’expression artistique, a rapidement captivé le public. La Recording Academy l’a d’ailleurs désignée comme l’une des «10 artistes de jazz qui enrichissent et réinventent les sons d’Amérique latine», une reconnaissance méritée. Sa musique a résonné sur Netflix, s’est hissée dans le Top 5 du classement JazzWeek Radio, et a porté la dernière campagne de Stuart Weitzman, «How Lovely to Be a Woman».
De tournées à guichets fermés en France, en Italie, au Mexique ou en Afrique du Sud, Henderson incarne une artiste au rayonnement mondial, capable de faire dialoguer les cultures tout en restant ancrée dans une histoire profondément personnelle.
Mais Sonidos est aussi, et peut-être surtout, une œuvre d’art musicale raffinée. La voix d’Henderson y est magnifiquement mise en valeur par un ensemble de musiciens d’une grande finesse, portés par des arrangements aussi intelligents que sensibles. Une mention spéciale s’impose ici pour le pianiste Sullivan Fortner et les contrebassistes Dezron Douglas et Eric Wheeler. Leur jeu, d’une efficacité redoutable, confère à l’album un équilibre et une fluidité qui permettent à la chanteuse de s’épanouir pleinement.
Ces deux musiciens ne sont pas de simples accompagnateurs: Fortner offre un piano d’une élégance et d’une expressivité rare, tandis que Douglas déploie des lignes de basse à la fois solides et mélodiques, véritables piliers de l’édifice sonore. Leur interaction avec la voix de Henderson relève du dialogue, et non de l’accompagnement: un échange constant, subtil et organique.
La structure même de l’album est une leçon de narration musicale. Entre ballades tendres, rythmes swing, cadences flamencos et influences afro-caribéennes, Sonidos se déploie avec une logique fluide et une diversité de textures qui ne relèvent jamais de la juxtaposition. Chaque morceau est une saison, chaque transition une redécouverte.
C’est là que se révèle toute la dimension multidisciplinaire de l’artiste. Sa capacité à mêler harmonies lumineuses, syncopes méditatives et narration sincère témoigne d’une maîtrise rare. Son répertoire illustre une compréhension intime des cultures qui l’ont forgée: avec des racines familiales au Panama, à Montserrat et dans les Caraïbes, Henderson puise dans un héritage aussi riche que complexe, qui imprègne chaque note et chaque souffle.
Sonidos n’est donc pas qu’un album de plus. C’est une déclaration d’identité, de présence et de maturité artistique. C’est l’œuvre la plus accomplie de Lauren Henderson à ce jour, un triomphe d’émotion, de composition et d’authenticité. Pour une artiste qui n’a jamais craint la complexité, cet album marque une affirmation claire de ce qu’elle est, et de ce qu’elle souhaite transmettre.
Et si Sonidos donne un avant-goût des concerts à venir, on peut s’attendre à bien plus qu’un simple spectacle: une révélation.
Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News
PARIS-MOVE, July 9th 2025
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To buy this albun (August 1st, 2025)
Musicians :
Lauren Henderson, vocals
Joel Ross, vibraphone
Sullivan Fortner, piano
Dezron Douglas, bass
Joe Dyson, drums
Guets :
Luisito Quintero, percussions (Track 10)
Eric Wheeler, bass (Tracks 3, 4, 12-14)
Trackinglist :
- Vida (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Bold (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Si Nos Dejan (feat. Sullivan Fortner, Eric Wheeler)
- Love Is Here To Stay (feat. Sullivan Fortner, Eric Wheeler)
- Flight (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Luna (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- On The Street Where You Live (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Let’s Face The Music and Dance (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- This Time The Dream’s On Me (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Soledad (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Sounds (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Ola (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Eric Wheeler)
- Truth (feat. Sullivan Fortner, Eric Wheeler)
- Trouble (feat. Sullivan Fortner, Eric Wheeler)
- La Llegada (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)
- Sonidos (feat. Joel Ross, Sullivan Fortner, Dezron Douglas, Joe Dyson)