Jazz |
Depuis bientôt sept décennies, le Caveau de La Huchette à Saint-Germain des Prés cultive et célèbre le swing, au cœur d’un Paris qui a forcément beaucoup changé depuis. D’où le sentiment quelque peu suranné qui émane de cette anthologie. En effet, le jazz qui s’y pratique doit bien davantage à ses fondateurs néo-orléanais qu’à ses explorateurs les plus récents. Le Caveau, comment dire, c’est l’un des lieux ultimes où s’encanaille la bourgeoisie de province, avec le Lido et les Folies Bergères. Pas question d’y effaroucher le manager en goguette avec sa secrétaire, tous deux en rupture du Salon de l’Agriculture ou de l’Automobile. Il en résulte un entre-soi cosy, où le swing ternaire de Maxim Saury et Claude Luter cohabite en bonne intelligence avec le boogie piano de Memphis Slim. Bref, un jazz à la papa, où l’on ne risque guère de subir les outrances free d’un Eric Dolphy ou d’un Ornette Coleman. Faut-il en concevoir quelque mépris pour autant ? Que celui qui sait distinguer les chitlins des tripes à la mode de Caen me jette la première pierre, cet avant-poste du jazz parisien n’est-il pas au fond le plus fidèle équivalent des clubs de la Nouvelle-Orléans où naquit cet idiome ? De Claude Bolling à Al Copley, et des Jive Aces à Marcel Zanini (sans omettre Nancy Holloway ni Sacha Distel, émérite guitariste swing), cette anthologie couvre plus d’un demi-siècle de trémoussements souterrains. Live (et inédits) de bout en bout, ces trois CDs célèbrent dignement l’ultime chapelle française d’un jazz réellement populaire. Chapeau bas.
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
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