Kristin Sweetland – Own Street Time

Bad Reputation www.badreputation.fr
Rock

Première qualité, déjà : contrairement à ces autres chanteuses canadiennes qui pensent que chanter c’est brailler à s’arracher la gorge (vous voyez de qui je veux parler, René ?), la belle Kristin a la voix douce des fées qui prennent le temps de vous séduire, vous rendant complètement marteau rien qu’après le premier titre. Car la voix de Kristin est comme une vague de fond, un tsunami de tendresse et de caresses vocales. Seconde qualité : la belle n’a pas que la voix, elle a aussi les yeux, les cheveux, la ligne, bref le physique qui fait craquer les hommes, et cela ne vous procure pas qu’un demi-atout, comme le dit ma concierge. Troisième qualité : la Miss écrit et compose tous ses titres et c’est là que vous prenez la plus belle des baffes car les 12 titres proposés sont tous de grande qualité. Premier de la liste, ‘Burial at Sea’ résume à lui seul ce que sera l’opus : sublime. Tout y est léger et infiniment beau, depuis le toucher de guitare jusqu’à la voix, sans oublier la qualité du son, incroyablement sensuel et léger, le tout produit par le sorcier Ken Whiteley que l’on retrouve à la basse, à la slide guitar, à la mandoline, à la guitare-sitar, au claviers, à la guitare acoustique et classique, et à l’accordéon. Un sorcier, vous dis-je… !

Ecrit sur la Route 1, dans le nord de l’Ontario, au milieu de nulle part, ‘Gone, Gone, Gone’ est comme tous les autres titres de Kristin, un moment de vie, un moment de sa vie, et c’est sans doute pourquoi le disque vous prend là, aux tripes, parce non seulement la belle vous charme mais en plus elle vous fait partager une tranche de sa vie. Y’a des chanteuses canadiennes qu’avaient décidément rien compris, n’est-ce pas René ?
C’est à New York, en novembre 2005 que Kristin compose ‘Glorious Enemy’, en écoutant la radio et en vibrant au son d’une valse tandis qu’elle ‘voit’ des ennemis aux sirènes dont on parle dans le poste. Car le monde de Kristin est ainsi fait, de magie et de rêves, et de musique aussi. Le refrain de ‘Glorious Enemy’ vous emporte dans le rêve, avec cette musicalité qui n’ira pas sans rappeler le premier (et immense) album de Cockney Rebel avec le fameux ‘Sebastian’. Même présence du violon, même intensité émotionnelle que Kristin vous balaye ensuite d’un sourire en vous chantant ‘Red Rain’, en souvenir de cette pluie qui tomba sur Kerala, en Inde, en 2001, une pluie rouge que l’on pensait avoir été provoquée par de la poussière de météorite. L’orchestration est superbe, avec Ken Whiteley à la guitare-sitar, Emie Tallar à la flûte Bansuri, Kristin à la guitare acoustique et Ben Grossman aux percussions et triangle.

Moment exceptionnel ensuite que ce titre cent pour cent musical qu’est ‘Vanguished’ et joué par Kristin, seule à la guitare acoustique. C’est sans doute là, à la moitié de l’opus que vous vous pincez et reprenez un double scotch tant la claque est monumentale car Kristin est seule dans le studio et le morceau signé et interprété par la Miss est réellement super ! 

‘The Fox Fires’, sur un rythme enjoué et avec Kristin au banjo a été écrit pour le mariage de sa meilleure amie, Jenny, en souvenir des bons moments partagés dans les Blue Ridge Mountains de Virginie. Plus électrique, ‘Lily’ montre que la belle a aussi goût et matière à injecter plus d’électricité dans son registre tandis que ‘Hotel Esmeralda’ vous offre une chanson plus hispanisante en souvenir d’un passage mémorable dans la cave d’un club parisien où jouaient des joueurs de guitare flamenco et de cette vision de Notre-Dame, de nuit, depuis sa chambre d’hôtel. Paris sera toujours Paris,…et sera toujours source d’inspiration à ceux qui ont du talent.  Un talent que la belle Kristin fait jaillir dans le titre suivant, ‘Xanadu’, où les intonations de la Miss n’iront pas sans rappeler ceux de la divine Kate Bush. 

Composé à Amsterdam, en mai 2005, ‘Three Pipe Night’ est le second instrumental signé Kristin Sweetland, avec notamment Ben Grossman au udu et George Koller à la double basse : un titre qui fera le bonheur des compilations pour bars très lounge ou pour grands hôtels classieux où l’atmosphère et l’ambiance valent le même poids que le prix des suites, un titre immensément cool, tout simplement.
Est-ce l’influence de la ville, Montréal, ou cette expérience incroyable d’avoir rencontré un homme portant une valisette à peine une minute avant que l’horloge ne sonne l’heure exacte – et d’avoir ainsi imaginé en une fraction de seconde que la valisette pouvait être piégée et donc la fin de sa vie… ? Dans ‘La fin du monde’ Kristin joue sur les mots : entre des paroles en anglais c’est un refrain en français qui revient (ou plus exactement une seule phrase), prenant effet/excuse sur un ‘la la la la la’ des plus classiques.
Mais quelque part ‘La fin du monde’ annonce également la fin du disque qui s’achève sur ‘The Compass Rose’ dans lequel la cornemuse relie le Canada à l’Ecosse, comme pour mieux boucler la boucle de ce périple musical.

Que dire de plus si ce n’est que Bad Reputation nous propose là une artiste sublime. Y’a des jours, comme cela, où l’on tombe amoureux d’une voix, d’une silhouette dévoilée sur papier glacé, de tout ce qui fait d’une chanteuse une femme d’exception et que l’on n’imagine plus pouvoir vivre sans elle.

Frankie Bluesy Pfeiffer
BLUES MAGAZINE©



Kristin Sweetland