KING SOLOMON HICKS – Harlem

Provogue / Mascot
Blues
KING SOLOMON HICKS - Harlem :

Cela fait 45 ans que je saoûle tous mes amis avec ça, alors pas de raison de vous l’épargner: le premier bluesman que j’aie jamais vu en vrai, c’était Freddie King. On était en 1975, et j’ignorais alors même jusqu’à ce que le blues pouvait bien signifier (c’est dire). Mais comme l’énonçait l’autre, “first cut is the deepest”. J’ai eu beau voir les deux autres King ensuite (B.B. quatre fois, et Albert juste une), sans parler des Jimmy Dawkins, Clarence Gatemouth Brown, Otis Rush, Buddy Guy et Lowell Fulson de circonstance, Freddie est demeuré mon favori. Celui qui sut le premier me foudroyer sur place, armé d’un Gibson SG qui paraissait sous-dimensionnée entre ses mains. J’en ai parlé depuis à Bruce Iglauer, à Joe Louis Walker et à tant d’autres: mon cas était loin d’être unique, et à l’époque, le géant de Gilmer (décédé à Dallas) a bel et bien laissé sur son passage une ample cohorte de convertis. Personne à ce jour n’était parvenu à ranimer le feu qu’avivaient ses doigts fébriles. Oh, depuis Albert Collins jusqu’à Son Seals et Michael Burks, les prétendants n’ont pas manqué, mais ce vibrato, cette émotion et cette brutalité mêlées, personne ne s’en est plus approché depuis. Alors quand se pointe ce gamin d’à peine 25 piges (et de surcroît élevé à Harlem), on ne se méfie de prime abord pas. Et on a tort, car loin de ne s’avérer qu’un ultime perdreau de l’année, ce môme apparemment bien élevé n’en a pas moins capté l’essentiel de la virtuosité fluide et exacerbée du regretté Freddie. Et ce qui pourrait n’être au demeurant que le fruit d’un apprentissage appliqué se révèle plus troublant. Sa renversante version du “Help Me” de Rice Miller (qui clôt les festivités) procure en en effet l’impression saisissante d’ouïr le Texas Flyer en personne, et sa reprise du “I’d Rather Be Blind” que Leon Russell produisit et offrit à ce dernier (pour son fameux “Texas Cannonball” de 1972) résonne plus crûment encore qu’un simple aveu: un manifeste. Ce tone, ces licks aussi brêves que brûlantes (comme jouées à reculons), sur un tapis revendiquant crânement son héritage rhythm n’ blues, confondraient le plus inconsolable des nostalgiques… À preuve, le “Everyday I Have The Blues” de Peter Chatman (aka Memphis Slim) revêt ici les atours incandescents du “Going Down” de Don Nix, tel que secoué en son temps par l’auteur de “San-Ho-Zay”: on y reconnaît la rythmique bondissante que citaient les versions Cream de “Crossroads” et “Born Under A Bad Sign”. “What The Devil Loves” n’aurait ainsi pas déparé le terrassant “Woman Across The River” (qu’évoque encore l’émouvant “I Love You More Than You’ll Ever Know”), et le languide shuffle “Headed Back To Memphis” aurait tout autant pu figurer sur “Getting Ready”, comme “Love Is Alive” sur le “Freddie King Is A Bluesmaster” que produisit King Curtis. Les instrumentaux “421 South Main” et “Riverside Drive” parachèvent le diagnostic, en évoquant à point nommé les “Pulp Wood”, “The Stumble” et “Hideaway” du maître. Pareil miracle suffisant à notre contentement, seule la voix puissante et gutturale du grand Freddie King manque ici à l’appel (même si celle du gamin assure aisément le job). L’attente n’en valait pas moins la peine: electric blues power is alive and well!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 10th 2020

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Voilà un jeune et talentueux jeune artiste qui rend un bien bel hommage du lieu d’où il vient puisqu’il intitule son premier disque du nom du quartier d’où il est natif. “Harlem” c’est 11 titres imparables sur lesquels KING SOLOMON HICKS chante et joue excellement bien de la guitare. Il donne d’ailleurs des cours pour les jeunes à partir de 5 ans. Le problème, c’est que c’est à New York… et il faut y aller!! KING SOLOMON HICKS a 25 ans seulement et il nous gratifie d’un superbe premier album. Il n’est, certes, pas le premier à publier un disque à cet âge (il y a même eu plus précoce!) mais comme c’est excellent, cela mérite largement que l’on en parle. Que des cas d’école, c’est vrai, mais c’est terriblement bien fait! Musiciens et arrangeurs compétents réunis pour réaliser un très bon album. C’est Kirk Yano qui est le producteur (Miles Davis, Public Enemy). Il me semble que cela mérite d’être souligné parce que l’on n’accorde pas les mêmes facilités chez nous en ce qui concerne les jeunes artistes qui veulent se lancer dans des projets de ce type. Et ce ne sont pas les émissions sur le petit écran étroit, très étroit,qui me feront dire le contraire. Des classiques du Blues et des compositions de KING SOLOMON HICKS jonchent cet opus. Un peu de Gospel également, Have Mercy On Me, et deux instrumentaux, 421 South Main et Love Is Alive. Il a été chercher aussi chez Etta James, B.B. King, Donny Hathaway ou Gary Wright mais on ne s’en plaindra pas puisque ce ne sont pas les plus mauvais dans le genre. Bref, une superbe et très bonne première galette. En voici un qui fait partie des GRANDS espoirs de la nouvelle génération de bluesmen…

Dominique Boulay
PARIS-MOVE & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, March 11th 2020