Kevin Brunkhorst – After The Fire (FR review)

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Jazz
Kevin Brunkhorst - After The Fire

Des cendres renaît la joie: After the Fire de Brunkhorst, une musique de guérison et d’espérance.

C’est souvent dans le sillage des bouleversements que naît la beauté la plus durable. La douleur, la perte et la catastrophe ont toujours été un terreau fertile pour la création artistique, et à cet égard, bien que cela soit bien réducteur, on pourrait être tenté de résumer After the Fire comme une œuvre née de la tragédie transformée en musique. Mais une telle simplification serait loin de rendre justice à la générosité tranquille et à la profonde sensibilité mélodique qui habitent ce remarquable album. Sous une apparence discrète se cache une œuvre d’une rare profondeur, imprégnée d’espoir, une offrande à la fois intime et universelle d’un compositeur-guitariste dont l’intelligence émotionnelle rayonne à chaque note.

Avec After the Fire, un recueil de sept compositions originales, le guitariste et compositeur Brunkhorst trace un parcours sonore à la fois personnel et tourné vers le monde. À une époque où nombre d’artistes ont répondu aux bouleversements récents par l’abstraction, la fragmentation ou la dissonance brute, Brunkhorst choisit un chemin différent. Sa musique n’élude pas l’obscurité, mais l’aborde avec une chaleur et un optimisme surprenants, dans une retenue empreinte de sagesse. C’est une musique de «merveille», selon ses propres mots, un sentiment aussi rare que bienvenu en ces temps troublés.

L’album invite l’auditeur à suivre l’évolution subtile du langage guitaristique de Brunkhorst, piste après piste. Mais plus qu’un instrumentiste, il se révèle ici avant tout conteur et orchestrateur. Ce n’est pas un album de guitariste au sens traditionnel: Brunkhorst s’y affirme d’abord comme un compositeur, doté d’un sens remarquable de la structure harmonique et d’un goût prononcé pour les textures fines. Les arrangements sont d’une précision sans sécheresse, émotifs sans tomber dans la mièvrerie. À l’écoute attentive, on sent la main d’un artisan qui construit avec le son autant qu’avec l’intention.

Le parcours musical de Brunkhorst commence de la façon la plus emblématique qui soit: en regardant les Beatles interpréter «Hey Jude» dans The Ed Sullivan Show en février 1970. Ce même Noël, il reçoit sa première guitare, point de départ d’une vie consacrée à la musique. Très vite, ses influences s’élargissent et se diversifient: Led Zeppelin, Yes, Pink Floyd, Genesis, Steely Dan, Weather Report, Miles Davis, Pat Metheny… Des mondes musicaux qui, loin de rester cloisonnés, nourrissent aujourd’hui une voix artistique mûre, à la fois enracinée et profondément personnelle.

Il y a quelque chose de profondément inspirant dans la manière dont chaque instrument, sur After the Fire, suit une ligne propre, claire, tout en s’intégrant dans un tissage global d’une remarquable cohérence. La clarté d’intention qui préside à ces compositions témoigne d’une vision musicale à la fois lumineuse et exigeante. Avec seulement sept titres, l’album évite les longueurs inutiles. Aucun remplissage, aucune dérive gratuite: chaque morceau participe à un arc narratif plus vaste, modelé par la perte, la résilience, et cette dignité silencieuse qui accompagne la reconstruction.

Le titre After the Fire n’est pas une métaphore. Au début de la pandémie de COVID-19, Brunkhorst a perdu sa maison dans un incendie dévastateur. Mais plutôt que de céder au chaos, il a choisi de proposer une suite musicale méditative, profondément réfléchie, et finalement pleine d’espoir. «Il serait facile de répondre au chaos par encore plus de chaos, » observe-t-il. « Mais je pense que nous avons tous besoin d’un peu de joie et de paix.» Cet état d’esprit est inscrit dans chaque piste, sans jamais chercher à édifier, toujours avec sincérité.

Il y aurait de quoi sombrer dans le désespoir pour moins que cela. Mais comme tous les artistes porteurs d’une vision sincère et profonde, Brunkhorst transforme sa douleur en quelque chose de plus vaste, de plus généreux. Ses compositions deviennent des vecteurs d’espoir, un espoir dont tant de gens, partout dans le monde, ont sans doute grandement besoin. Et comme la musique est un langage universel, elle ne nécessite aucune traduction, il suffit de se laisser porter, d’écouter et de ressentir.

Ce n’est sans doute pas un album des plus faciles à écouter. Il requiert de la patience, une certaine ouverture, et une disposition à la contemplation. Mais celles et ceux qui lui accorderont du temps verront les images surgir, une à une, dans leur esprit: souvenirs, paysages intérieurs, éclats d’émotions enfouies. La structure de l’album, ses respirations, son rythme intérieur, annoncent déjà ce que pourrait être sa version scénique: une expérience immersive, émouvante, profondément humaine.

À une époque saturée de bruit et de tensions, After the Fire s’impose comme un témoignage doux mais puissant du pouvoir de la musique: ce pouvoir de guérir, de rassembler, et d’élever les âmes. C’est un album qui parle doucement, mais qui reste longtemps dans le cœur.

Thierry De Clemensat
Member at Jazz Journalists Association
USA correspondent for Paris-Move and ABS magazine
Editor in chief – Bayou Blue Radio, Bayou Blue News

PARIS-MOVE, July 30th 2025

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To buy this album

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Musicians:
KEVIN BRUNKHORST: acoustic and electric guitars
TOM EASLEY: bass
KENJI OMAE: tenor saxophone
TOM ROACH: drums
PAUL TYNAN: trumpet, flugelhorn

Tracklisting:
1 As Fate Would Have It (8:50) 2 One Spring (5:59)
3 As You Know (5:46)
4 Daydream Manual (6:02)
5 The Roaring Twenties (6:09) 6 After The Fire (9:11)
7 The Passing Months (6:23)

All compositions by Kevin Brunkhorst
Recorded October 2023 at Fang Recording Studio, Dartmouth, Nova Scotia, Canada Engineers: Thomas Stajcer and Alex Burris
Mixed at Lakewind Studios by Mike Shepherd
Produced by Kevin Brunkhorst and Paul Tynan