KENT – La Grande Illusion

At(h)ome
Rock

Alors voilà, ça y est : après celle des fans des Stones et celle des Stooges, la génération de ceux de Téléphone et Starshooter aborde les rivages de la soixantaine. Les 40 ans du punk, quelle foutaise ! Alors no future, c’était donc ça ? Un pavillon de banlieue payé à crédit sur vingt ans, et des enfants ados, chômeurs ou étudiants… Et puis dans une malle au grenier, ces foutus 45 tours qu’on ne peut plus écouter, depuis qu’on a troqué la platine vinyle contre Deezer. “Get Baque” : un autre siècle, une autre époque. Même pas simplement notre jeunesse, non, comme un dernier feu d’artifice avant le renoncement. Les ex-punks ont depuis longtemps rejoint leurs aînés au purgatoire des écolos. Comme un ultime survivant, celui qui se fit appeler un temps Kent Cokenstock assume tout, depuis les désillusions jusqu’aux idéaux trahis, et des amitiés fidèles jusqu’aux fourvoiements foireux. Ce nouvel album ne parle pratiquement que de cela. Artiste multiple, Kent n’a peut-être jamais rien fait d’autre que chercher par tous les moyens à sa disposition (la BD, le roman, le rock, puis la chanson) à s’extraire d’un destin tout tracé. Ce déterminisme social si bien défini par Bourdieu n’est-il pas, depuis toujours (de Villon à Rimbaud), le principal mobile de ces escapistes professionnels que l’on appelle artistes ? Ni opportuniste ni bobo, et si Kent s’avérait au bout du compte l’un de nos modèles générationnels les plus représentatifs ?
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Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder