Americana

Instrumentiste tout terrain sur les six cordes (acoustiques, lap-steel, dobro, cigar box, you name it…) mais pianiste aussi, l’Anglais KB Bailey revendique pour références John Prine, Jackson C. Frank, Kelly Joe Phelps, John Moreland, Jason Isbell et Jeffrey Foucault. Voilà qui vous pose un homme. Après avoir servi six ans durant au sein de la formation blues londonienne Shotgun House, KB s’est finalement résolu à écouter sa muse, ainsi que le conseil avisé d’un certain Tom Waits (“pour écrire une chanson, il te faut trois choses: la météo, le nom d’un endroit, et quelque chose à boire”). Bien lui en prit, puisque cet album révèle le talent d’un auteur-compositeur-interprète accompli. Depuis son “Cold Rain” initial jusqu’à sa reprise du poignant “Cheap Suit” de Foucault (cf. le “Blood Brothers” de ce dernier, paru sur Blueblade Records voici moins d’un an), Bailey déploie ici une impeccable martingale de vignettes finement ciselées, captées durant un confinement qui ne l’empêcha toutefois pas de bénéficier du renfort bienvenu de quelques complices. Selon des arrangements aussi subtils que dépouillés (la trompette de Brin Heywood-Snell sur le piano mélancolique de “Night Dogs”, le picking alerte de “Time to Leave Town” souligné par la pedal-steel aérienne de Charlie Jonas Walter, ou encore l’harmonica de Gavin Thomas sur le touchant “North Coast Girl”), KB Bailey révèle une veine poétique digne de celles de la plupart de ses modèles, servie de surcroît par une délicate mais permanente virtuosité. Pièces majeures de ce recueil, “Blood Red Lullaby”, “Crazy About Me” et “North Shore Road” (toutes dignes d’un Ron Sexsmith, d’un Sufjan Stevens ou d’un Garrick Rawlings) signalent en effet la verve d’un songwriter de premier ordre, tandis que sa cover instrumentale du traditionnel “Wayfaring Stranger” s’approche de la geste majeure du Ry Cooder de “Paris, Texas”. Faut-il vous l’emballer?

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 21st 2020