Blues |
Avec un peu de retard et je m’en excuse auprès de l’intéressé, j’ai l’immense plaisir de rédiger une chronique sur le dernier album de mon vieil ami Karim Albert Kook, intitulé “Il Était Un Voyage”. Comme à l’accoutumée, Karim ne déroge pas à la règle et à son profil de globe-trotter spirituel et cultuel et nous propose, de sa voix chaude et puissante, un voyage tout confort, en 1ère classe garantie, vers des sphères de blues et de world music. Un blues sans carcan, sans frontière, des mélodies métissées, des accords bigarrés, le grand écart entre l’orient et l’occident, entre le désert sud-algérien et le désert des Mojaves. Et je peux vous assurer que ça donne un cocktail détonnant, qui ne laissera personne insensible, à moins d’avoir un cœur de marbre et d’être aussi réceptif à la musique qu’un philistin sans vergogne. Avec Karim Albert Kook, nous sommes loin, très loin, aux antipodes du formatage imposé par les radios FM. C’est le 4ème album de KAK, comme un ultime hommage à son frère de sang et d’armes: Guy l’Américain, grand spécialiste des musiques roots et décédé en 2016. Inspiré par de nombreux guitaristes légendaires, tels que Muddy Waters, Robert Johnson, et les 3 “King”, B.B, Albert et Freddie, en 1997, Karim rencontra Patrick Verbeke, qui l’engagea illico dans son écurie ‘Magic Blues Records’, pour un premier album très prometteur, qui lui ouvrira les portes du fameux label ‘Dixiefrog’ créé par Philippe Langlois et Alain Rivey (Popa Chubby, Verbeke, Rod Barthet, Little Bob, Tommy Castro, Duke Robillard, Nico Wayne Toussaint, Calvin Russell, etc…). Suivirent “Je roule vers toi”, un opus aux textes très personnels et poignants, comme pour conjurer le mauvais sort qui s’acharna et cloua Karim dans un fauteuil roulant, mais qui paradoxalement lui donna une force inouïe, et la foi nécessaire pour exprimer son art de la meilleure façon qui soit et “Barbès City Limit Blues”, apologie de son ex-quartier du 18ème arrondissement de Paris, avant d’émigrer vers la bucolique Normandie, ses pommiers et ses vaches laitières… A l’écoute de ce sublime opus, on peut sans conteste classer Karim Albert Kook parmi les meilleurs guitaristes de blues français, car que les titres soient électriques ou acoustiques, ils vous transporteront vers des voyages et des paysages inconnus et la voix envoutante et hors du commun de l’ex figure de proue de Barbès, fera le reste pour conjuguer à tous les temps les rêves chimériques et l’émotion. Outre la totalité des remarquables musiciens qui officient sur ce disque, on peut toutefois citer l’excellent batteur Félix Sabal-Lecco, qui a assuré la réalisation et les arrangements de cet album. Tous les textes sont signés Karim Albert Kook, sauf deux reprises de Bill Deraime ‘Faut que j’me tire ailleurs’ et de Zachary Richard ‘Travailler c’est trop dur’, pour le côté Louisiane, cajun et zydeco, revisités à la sauce Kook. Pour paraphraser un tantinet Eddy Mitchell, “l’estomac d’un rocker se limite au cheeseburger”, et bien moi j’affirme que l’estomac d’un bluesman ne se limite pas au cheeseburger, mais peut aussi apprécier quelques épices venues de tous les continents et même de ceux qui n’existent pas sur les cartes, les plus imaginaires, et pas que de l’épicentre habituel des musiques populaires afro-américaines. La musique de Karim aux multiples couleurs, donne bien évidemment un noble sens à cette doctrine, même si les champs de coton du Delta demeurent toujours en ligne de mire et la croisée des chemins (crossroads) et le spectre de Robert Johnson, comme lieu mythique. Aujourd’hui, avec “Il Était Un Voyage”, c’est nous qui roulons vers toi mon cher Karim Albert Kook. Attachez votre ceinture car le départ est imminent ! Bien entendu, cet opus indispensable de blues métissé, tribal et humaniste est chaudement recommandé, mais ça, c’est une énième lapalissade de ma part…
Serge SCIBOZ
Paris-Move
PARIS-MOVE, September 16th 2019