| Afro Cuban, Jazz |
Natif de La Havane, le jeune trompettiste Kalí Rodríguez-Peña y fut découvert dès son quatorzième anniversaire par le multi-instrumentiste Bobby Carcassès, qui l’incita à développer ses talents d’improvisateur dans un contexte jazz. Relocalisé à New-York en 2014 (trois ans après avoir enregistré un premier album solo, “Gentes De Colores”, dans son pays natal), il commença par s’immerger à corps perdu parmi les réseaux la foisonnante scène locale, et s’inscrivit à la Manhattan School Of Music, dont il sortit diplômé en 2019. Tout en développant son propre ensemble, Kalí s’est également produit en guest auprès de pointures telles que Wynton Marsalis, Paquito D’Rivera, Arturo O’Farrill, Chucho Valdes et David Murray. Son premier album Nord-américain le présente désormais en leader confirmé, entouré de musiciens avec lesquels il a tissé une complicité quasi-télépahique au fil des cinq dernières années. S’ouvrant sur une reprise de l’un de ses modèles, Wayne Shorter, il y déploie d’emblée le mix caractéristique, entre hard bop et spicy latin flavour, qui caractérise ses prestations scéniques. La complémentarité entre les claviers virevoltants de Gabriel Chakarji, le sax tenor de Kazemde George et la trompette du patron s’exprime en mille nuances sur les rythmes trépidants que leur prodiguent la contrebasse de Bam Bam Rodriguez, le drumming alerte de Zack O’Farrill et les percussions bouillonnantes de Victor Pablo Garcia. Sur une trame raga, l’apaisé “A Student Is Not A Disciple” (signé Rodríguez-Peña) offre à Chakarji l’opportunité de dérouler le canevas de ses références pianistiques, de Monk à Bud Powell, tandis que les cuivres y tissent d’audacieux entrelacs. La coda en fading atteste la part d’improvisation de cette prise, avant que “La Historia De Eréndira” (du même auteur) ne renoue brillamment avec un bop aussi vibrant que sophistiqué. Chaque instrumentiste y dispose de toute latitude pour contribuer au thème ainsi qu’à ses développements, et le pont sur des ivoires en accalmie autorise à Chakarji de ces digressions rappelant le lyrisme du regretté Chick Corea. Enfant de ce siècle, Kalî assume une approche transversale de la musique, fondée sur ce qu’il désigne la “playlist culture” : plus interactives que jamais, les frontières entre les genres s’y abolissent, pour ne pratiquement plus céder en dénominateur commun que le beat. On ne s’étonnera donc pas d’ouïr se croiser ici le langoureux tropicalisme brazileiro de “Drume Mobila” (featuring la sensuelle vocaliste Gina D’Soto) avec l’arrangement salsa è soneros du standard “Like Someone In Love”, festival de rythme où Kalí soloïse avec un confondant brio, tout en harmonisant le riff du thème avec son saxophoniste. Pièce de résistance, l’étendu “Thinking of The Universe” renvoie quant à lui au Miles post-cool de “Sketches Of Spain”, avant que l’atmosphérique “Las Memorias De Las Calles” n’en fasse autant avec sa période “Nefertiti”, et que “Se Acabo” (titre quasi-homonyme de celui d’une composition de Jose “Chepito” Areas dont Santana fit l’un de ses premiers chevaux de bataille, et présentant ici le chanteur Jeremy Bosch) ne conclue en afro-cubano mode, réaffirmant le caractère éminemment métissé de la musique de Rodríguez-Peña. Un disque aussi addictif que resplendissant.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, July 28th 2022
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Un album à commander sur son Bandcamp, ICI
