JUSTIN SALADINO BAND – Live

Bros
Blues-Rock
JUSTIN SALADINO BAND

Nominé aux Maple Blues Awards 2018 en tant que meilleur nouvel artiste, avant d’être sélectionné pour représenter le Québec à l’Intenational Blues Challenge de Memphis l’année suivante, le Justin Saladino Band n’avait encore publié qu’un EP en 2016, suivi de son premier album, A Fool’s Heart, en 2018. Si la parution d’un album live si tôt dans leur parcours pourrait paraître prématuré, l’écoute de cette galette roborative dissipe toute réserve. Le concept en est simple: plutôt qu’une compilation de titres issus de sets épars dans l’espace et la temporalité, le Saladino Band est revenu aux principes mêmes du théâtre classique: unité de lieu et de temps. C’est donc en studio que ce live fut capté, mais néanmoins en présence d’un public enthousiaste et participatif. Plutôt que d’avoir à jongler au mixage avec des sons de qualités disparates, le groupe a ainsi pu s’abandonner deux soirs d’affilée à revisiter les titres de son répertoire sans la contrainte étouffante du métronome, des compresseurs et des équaliseurs. À l’ancienne, en somme. C’est sans doute pour bonne part ce qui procure à l’ensemble (outre son éblouissante cohésion) ce manifeste parfum early seventies. À l’écoute du “Take What You Need” d’ouverture (et plus loin, de “A Fool I’ll Stay”), de puissantes effluves soul-blues nous parviennent aux naseaux, et l’on se remémore les tout débuts d’Anders Osborne en ce registre. Comparaison plus flatteuse encore, avec leur combinaison de chœurs et d’orgue soulful et leurs licks de guitare incandescents, “Honey” et “Bad Habit” renvoient davantage au terrassant live de Derek & The Dominos (“In Concert”). Cette similitude ne se démentira pas, comme en témoigne la seule cover de cette galette, celle du “You Don’t Know How It Feels” de Tom Petty, dont s’accentue la facture southern (un brin plus funky, avec une slide lyrique à pleurer de rage et d’émotion). Quant aux poignants “All You Ever Need” et “Put The Hammer Down”, ce sont en quelque sorte leurs propres “Presence Of The Lord” : une pause de recueillement, rythmée au rimshot et soutenue de bout en bout par un orgue sépulcral. Il n’est que temps de souligner les épatant talents vocaux du leader et de Lucie Martel, dont les timbres mêlés s’harmonisent ici pour porter le fer au cœur de la plaie sensible. Seul quasi-blues au sens littéral, “Peace With You” rappelle à la fois le Clapton de “Bell Bottom Blues” et l’Otis Redding de “Try A Little Tenderness”, et il en faut, du cœur et des cojones pour se frotter à pareil challenge. Comme son titre le préfigure, “Purple Girl” est un hommage à un certain Jimi, dont il s’avère un pastiche plus que convaincant. Entre Thin Lizzy et ZZ Top, l’infernal boogie-jig “Irish Bordello” achève un auditoire soudain pris de convulsions, avant que le bonus track “No Worries” ne conclue l’affaire en mode power trio. Privilégiant toujours la mélodie et un feeling torride à la vaine démonstration, ce Justin là s’avère sans doute l’un des plus inventifs guitar-heroes récemment apparus. Ses acolytes n’ayant guère à lui envier, si d’aventure vous désiriez savoir à quoi aurait ressemblé le gang James, s’il s’était dédié à brûler les planches plutôt que de piller les banques, la réponse à cette question saugrenue se trouve ici. Soudé comme un poing, le Justin Saladino Band ne fait ici aucun quartier, mais ses victimes en deviennent des convertis: à part peut-être les cors aux pieds, aucun animal ne fut en effet maltraîté dans la réalisation de cet album.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 8th 2021

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