JUST A SEASON – Leave To Come Home

Autoproduction / Northern Electric
Americana, Pop
JUST A SEASON - Leave To Come Home

Depuis leur origine, les musiques actuelles ont toujours proposé une alternative consolatrice au quotidien parfois sordide que vivaient les masses. Dans son vain élan émancipateur, le rock n’ roll s’est ainsi vu opposer très tôt des Perry Como, Pat Boone et autres Paul Anka, afin de contrebalancer l’influence pernicieuse sur notre belle jeunesse des Little Richard, Chuck Berry, Bo Diddley, Jerry Lee Lewis et autres menaces du même acabit. Cet antagonisme artificiel entre le Bien et le Mal s’est ensuite décliné entre Beatles et Rolling Stones, Hollies et Pretty Things, Carpenters et Stooges, Sex Pistols et Bee Gees, ad lib. Incontestables champions dans ce registre lénifiant, Cat Stevens, Crowded House, Simon & Garfunkel, Graham Nash et le Fleetwood Mac de “Rumours” perpétuèrent ainsi le status quo qui permit aux générations successives de consumers de continuer à vaquer en toute quiétude à leurs barbecues et autres fariboles. D’un cynisme et d’un savoir-faire au moins équivalents, Scott Smith use pour faire-valoir de la pauvre Ashley Grant (cantonnée aux seules harmonies vocales) pour faux-nez du combo qu’il anime en parallèle de sa carrière de mercenaire musical canadien. Pour leur troisième album en huit ans, il a ainsi rameuté (outre leur sempiternelle martingale de spadassins appointés) le bassiste et producteur de renom Erik Nielsen, afin de les aider à mettre en boîte une quasi-douzaine de nouveaux originaux (qui n’en méritent en l’occurrence qu’à peine le titre). “Queen of The Underground” et “Never Too Far From The Blues” s’approchent ainsi de ce vers quoi tendait Tom Petty quand il singeait les Byrds adaptant Dylan (et y parvenait plutôt bien), tandis que les twin guitars de “She’s The One” évoquent les Allmans à leur zénith consensuel. Des niaiseries telles que “You’re Gonna Be Okay”, “Will You Stay?” ou “Anything You Want” feraient ainsi passer Angus et Julia Stone pour des parangons du protest-song. Aux antipodes du Wu-Tang Clan, de Black Flag, des Dead Kennedys et de Rage Against The Machine, Just A Season persiste donc à conforter les classes moyennes dans l’illusion que leurs enfants ne pâtiront pas davantage qu’eux-mêmes de leur aveuglement quant aux déséquilibres du monde. C’est tellement bien fait que cela en devient inquiétant.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 6th 2022

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