JONN DEL TORO RICHARDSON – Tengo Blues

Vizztone / Bear In The Chair
Blues
JONN DEL TORO RICHARDSON - Tengo Blues

Houston est la capitale d’une agglomération qui compte près de quatre millions d’habitants. Fondée en 1836, au lendemain de la guerre d’indépendance du Texas contre le Mexique, elle reçut le nom de son vainqueur, le général Samuel Houston. Jouxtant le port industriel de Galveston (à équidistance de San Antonio et de la Nouvelle-Orléans), l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz naturel, ainsi que de leurs sous-produits, y a engendré un foisonnement d’industries. Les raffineries, centrales thermiques, cimenteries et usines de traitement du bois s’y déploient le long du canal maritime et de l’autoroute fédérale 45: c’est la plus dense concentration d’industries lourdes et polluantes sur le golfe du Mexique. Installée à Clear Lake City depuis 1962, la NASA y a établi sa direction, ainsi que son centre de formation et de pilotage des vols spatiaux habités. Le commerce de gros, les universités, les banques et les assurances de Houston rayonnent ainsi sur tout le sud du Texas. Ce dynamisme économique en fait un pôle d’attraction majeur pour une immigration chicano d’origine le plus souvent agricole, dont la musique, la cuisine et les traditions continuent à irriguer le folklore de la région. Issu de cette communauté, Jonn Del Toro Richardson est le rejeton d’une famille de Mariachis qui y animaient les fêtes familiales. Pour compléter le contexte au sein duquel il grandit, il faut également citer les radios qui diffusent indifféremment musiques latino, country, blues et rhythm n’ blues, dont des artistes tels de Doug Sahm, Flaco Jimenez, Lila Downs, Freddy Fender et Los Lobos constituent le terreau. Découvert par Diunna Greenleaf au sein de modestes formations locales, Jonn Del Torro devint son bras droit au sein du Blue Mercy Band. Ils remportèrent ensemble l’International Blues Challenge de Memphis en 2005, et Jonn s’y vit décerner l’Albert King Award, récompensant le guitariste jugé le plus prometteur. Sous la houlette de Sean Carney (avec lequel il enregistra en 2013 l’album “Drivin’ Me Wild”, après celui qu’il avait réalisé deux ans auparavant avec Rich Del Grosso), il multiplia ensuite les collaborations (de Pinetop Perkins et Hubert Sumlin à Ronnie Earl, Otis Taylor et Bob Margolin), et on put récemment l’apprécier sur nos scènes européennes, aux côtés de la grande Shaun Booker. Produit par Anson Funderburgh, “Tengo Blues” est son premier véritable album solo. Porté de bout en bout par les Texas Horns de Mark Kazanoff, John Mills et Al Gomez, le climat y mixe avec bonheur la somme de ses expériences. Sur le chicagoan “I’m Her Man” (déclaration d’amour à sa guitare), les claviers de Nick Connolly prodiguent le contrepoint bienvenu que Jonn appréciait tant chez Pinetop Perkins. Un pied dans le lowdown Texas-shuffle et l’autre dans le swamp de Lazy Lester, “Love If You Want It” s’ébroue avec naturel sur les traces d’un Kid Ramos, tandis que le swing-jazz instrumental de “Triple Linding” démontre ce que Del Toro sut assimiler de T.Bone Walker (l’orgue Hammond de Connoly s’y fend d’un solo dans la veine de Jimmy Smith, et le sax de Kazanoff en fait autant avec Johnny Hodges et Coleman Hawkins). Les racines latino affleurent sur la salsa cubana “The Moment” (où cuivres et piano s’en donnent à cœur-joie), avant que le funk-blues ne reprenne ses droits pour “Can’t Run From Love”, “Here She Comes” et “Tell Me Do You Love Me”. La guitare y virevolte sans ostentation, mais avec le feeling éruptif dont ce placide garçon sait toutefois se montrer prolixe sur les planches, entre Albert et Freddie King (étoile tutélaire de nombre de guitaristes texans). Dans la veine de J.J. Cale, l’enlevé “Get Me Back To Texas” et le jump cuivré “Tall Pretty Baby” voient les six cordes de Funderburgh lui donner la réplique, tandis que “This I Know” s’avère un émouvant slow number dans la ligne de B.B. King. À la frontière du rockabilly, le Texas boogie “Wild Ride” évoque les Fabulous Thunderbirds de la fin des seventies, et la plage titulaire qui conclut l’affaire est un cool mambo instrumental dans la veine jazzy d’un Barney Kessel, où l’orgue de Connoly introduit les préliminaires aux épatants soli de son jeune patron. Si l’on connaissait déjà les ébouriffants talents d’instrumentiste de ce dernier, cet excellent album le révèle également en vocaliste accompli. Avec pareille relève, le blues n’a guère de souci à se faire quant à sa pérennité.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, May 27th 2020

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