JOHN LENNON – Imagine / Gimme Some Truth

DVD - Eagle / Universal
Rock

Comme l’énonça John Ford à la fin de “L’Homme qui tua Liberty Valance”: “Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende”. C’est un peu ce qui est arrivé à feu John LENNON depuis sa canonisation post-Michael Chapman: John, le génie torturé des Beatles, tandis que Macca n’en aurait été que l’orfêvre besogneux. Bla, bla, bla… Tandis que les capacités mélodiques de LENNON ne se sont que sporadiquement hissées à la cheville de celles d’un McCartney, force est toutefois de leur reconnaître un point commun. Ce que John concédait à Paul sur le plan du génie harmonique, il le compensait par sa sagacité à toute épreuve. Mais tous deux, et ce dès la fin des Beatles, se sont respectivement avérés tout autant capables de traits de génie que de coupables auto-indulgences. Ainsi, contrairement à la doxa répandue, “Band On The Run” n’est sûrement pas le meilleur Macca post-Fab, et “Imagine” n’est assurément pas le meilleur LENNON non plus. Il suffit de comparer ce dernier à l’aune de ce que leurs concurrents publiaient alors (“Who’s Next”, “Sticky Fingers”, “L.A. Woman”…) pour réévaluer ce classic album à son juste niveau. Sur le plan du nombre de compos qui font mouche, son prédécesseur (“Mother”) en alignait au moins le double (dont “Working Class Hero”, “Isolation”, “God”, et la plage titulaire). Mais voilà, “Imagine” comprend, outre le morceau titre (devenu un hymne aussi universel que l’Internationale), la perle lennonienne par excellence, “Jealous Guy”. Qu’importe dès lors des niaiseries telles que ce “Oh, Yoko” (auprès duquel “I Want To Hold Your Hand” fait figure de brûlot situationniste), ou des inepties comme “I Don’t Wanna Be A Soldier”, “Give me Some Truth” et “How Do You Sleep” (lequel relève de la vendetta personnelle niveau CM2). Ce DVD comprend deux vidéogrammes distincts: le film “Imagine” co-produit et dirigé par John et Yoko en 1971 (faisant aujourd’hui figure de clip d’une heure et cinq minutes, avec pour moments les plus gênants les titres empruntés à l’album “Fly” de Miss Ono), et le “making of” de l’album originel, bâptisé “Gimme Some Truth”. C’est ce second volet qui s’avère le plus passionnant. Assister aux échanges contrits entre Alan White (futur batteur de Yes), Nicky Hopkins (pianiste tout terrain, des Stones aux Who en passant par les Kinks), Klaus Voormann, Phil Spector et le couple LENNON durant le process d’enregistrement s’avère une expérience jubilatoire. Avec en featurette des lascars tels que Fred Astaire, Dick Cavett, Jack Palance, Miles Davis ou Andy Warhol, ce DVD risque de faire se liquéfier sur pied nombre de baby-boomers. Ainsi que le soulignait naguère Jérome Soligny: “ces deux-là devaient tout de même s’aimer beaucoup”. Juste comme nous et lui, non?

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder