Musique de film |

Même s’il demeure surtout connu du grand public pour avoir arrangé le fameux thème des génériques de la saga James Bond (initialement signé Monty Herman), et composé celui de la série “Amicalement Vôtre” (voire pour avoir été le premier mari de la regrettée Jane Birkin), John Barry n’en a pas moins inscrit son nom au Panthéon des plus grands compositeurs du cinéma du XXème siècle, aux côtés de ceux de Bernard Hermann, Nino Rota, John Williams, Henry Mancini, Georges Delerue, Hans Zimmer, Vladimir Cosma, Michel Magne, Michel Legrand, Lalo Schifrin et Ennio Morricone. Natif de York en 1933 (et de son véritable patronyme Prendergast, John Barry ne constituant que ses deux prénoms, comme chez son contemporain Ray Charles Robinson), cet Anglo-Irlandais bon teint fonda à l’âge de 24 ans sa première formation (The John Barry Seven) dès son retour de conscription. Il avait auparavant été initié à la composition par l’organiste de la cathédrale de sa cité, et au jazz par l’arrangeur de Stan Kenton, Bill Russo. Son septette (où il assurait lui-même le chant, ainsi que les parties de trompette) comprenait ainsi trois cuivres, une section rythmique électrique et un lead guitarist du nom de Ken Richards. Cet ensemble trouva rapidement des engagements pour la branche télévisée de la BBC, et de fil en aiguille (de gramophone), John se vit bientôt proposer d’arranger les orchestrations d’autres artistes, comme celles du chanteur et acteur Adam Faith, pour qui il composa la B.O. de “Beat Girl” (“L’Aguicheuse” chez les mangeurs de grenouilles), bientôt suivi de “Never Let Me Go” (avec le même à l’affiche). À ses débuts, cet hyperactif se consacrait pourtant surtout aux rythmes en vigueur au Royaume-Uni, en cette fin des fifties où le rock n’ roll importé des U.S.A. battait son plein (cf. ses pastiches de Bill Haley et Gene Vincent sur “Wonderful Time”, “Three Little Fishes”, “Zip Zip”, “Every Which Way”, “You’ve Gotta Way”, “Good Rockin’ Tonight” et “Rock-A-Billy Boogie”). S’égarant même parfois en quelques hasardeux instrumentaux proto-surf (le “Rebel Rouser” de Duane Eddy, le “Walk Don’t Run” des Ventures, la reprise instrumentale de “When The Saints” ou encore l’embarrassant “Big Guitar”), John ne tarda pas à diversifier son fonds de commerce en y incorporant certains des rythmes latins qui faisaient également fureur sur les pistes de danse d’alors (“Rodeo”, “Pancho”, “Hideaway”, “Farrago” et “Christella”, que l’on qualifiera par indulgence d’aimables musiques d’ambiance). On décèle pourtant dès 1958 les prémisses du style qui lui vaudra la reconnaissance, sur des scores orchestraux tels que “Bee’s Knees”, ou deux ans plus tard, ce “Mood One” qui préfigurait de façon troublante le “James Bond Theme” à venir. En attendant, notre undercover jazzman se fit encore les dents avec une poignée de singles instrumentaux où il continuait de contrefaire les genres populaires du moment: les country “Never Let Go” et “Hit And Miss” (qui semblèrent donner quelque fil à retordre à son Richards de guitar slinger), la face B de ce dernier, “Rockin’ Already” citant plus ou moins ouvertement le refrain de “The Lion Sleeps Tonight”, ou encore le thème des “Sept Mercenaires” signé Elmer Bernstein (des orchestrations duquel sembla s’inspirer le jeune John pour ses propres “Beat For Beatnicks” et “Big Fella”). Véritable tremplin vers le monde enchanté du cinéma, les 17 plages de la bande originale de “Beat Girl” (1961) comprenaient trois titres chantés par Adam Faith (ainsi qu’un autre par sa co-star à l’écran, Shirley Anne Field), et offraient surtout à Barry l’occasion de marier au long cours ses Seven comparses à un orchestre au grand complet. L’influence d’un autre Bernstein (Leonard) s’y confirmait amplement (notamment sur “Car Chase – Night Chase”), “West Side Story” demeurant alors un succès persistant, ainsi que celle de Count Basie (“Time Out”, “Blondie’s Strip”), tout en proposant un succédané des genres que John avait abordés jusqu’alors (le mambo “The Sharks”, “The City 2000 A.D.” ou la plage titulaire, à la surf guitar prononcée mais renforcée de cuivres gaillards, tandis que “Made You” recyclait éhontément le riff du “Something Else” d’Eddie Cochran, que Faith imitait dès lors sans vergogne). Après pareil coup d’essai, Barry sembla retourner un moment à ses marottes, publiant une nouvelle fournée de singles relevant de ce qu’on ne nommait pas encore de la muzak, tout en s’y apparentant manifestement (dont le “Rocco’s Theme” du “Rocco Et Ses Frères” de Luchino Visconti et le “Watch Your Step” de Robert Parker – seule connexion avérée entre Dr. Feelgood et lui). Mais le ver étant dans le fruit, il advint la même année un nouveau LP, “Stringbeat”, où tout en adaptant Paul Anka (le niais “It Doesn’t Matter Anymore”) et Jerry Leiber & Phil Spector (avec leur “Spanish Harlem”), ce brave John casait déjà 30% d’originaux destinés à abonder ses propres royalties. Le cinoche ne l’oublia pas, et lui offrit d’autres opportunités, qui lui valurent par la suite quelques Oscars mérités (de “Midnight Cowboy” et “Cotton Club” à “Out of Africa”, en passant par “Danse Avec les Loups”). On s’étonnera que la maison Frémeaux, d’ordinaire si pointilleuse en matière de writing credits, n’ait pas attribué ceux du célèbre “Blueberry Hill” popularisé par Antoine “Fats” Domino à ses véritables auteurs (Lewis, Rose et Stock), mais c’est bien la seule réserve que l’on portera au passif de cette remarquable collection: en trois CDs et 90 titres, voici donc assemblée la genèse d’un géant en devenir. “James Bond Theme” inclus (et mastering irréprochable à l’appui, as usual).
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 15th 2025
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Tracklisting:
CD1 : JOHN BARRY AND THE SEVEN : LET’S HAVE A WONDERFUL TIME • ROCK-A-BILLY BOOGIE • ZIP ZIP • THREE LITTLE FISHES. THE JOHN BARRY SEVEN: EVERY WHICH WAY • YOU’VE GOTTA WAY • BIG GUITAR • RODEO • PANCHO [THE JOHN BARRY SEVEN WITH LATIN-AMERICAN RHYTHM ACCOMPANIMENT] • HIDEAWAY [THE JOHN BARRY SEVEN WITH LATIN-AMERICAN RHYTHM ACCOMPANIMENT] • FARRAGO • BEE’S KNEES • WHEN THE SAINTS GO MARCHING IN • LONG JOHN • SNAP ‘N’ WHISTLE • LITTLE JOHN • FOR PETE’S SAKE • LITTLE JOHN (LIVE) • REBEL ROUSER • GOOD ROCKIN’ TONIGHT (LIVE) [THE JOHN BARRY SEVEN AND BOB MILLER AND THE MILLER MEN] • MAB MAB • TWELFTH STREET RAG • CHRISTELLA. JOHN BARRY AND HIS ORCHESTRA : MOOD ONE • MOOD TWO • MOOD THREE • MOOD FOUR • SMOKY BLUES.
CD2 : THE JOHN BARRY SEVEN PLUS FOUR : HIT AND MISS • ROCKIN’ ALREADY. JOHN BARRY AND HIS ORCHESTRA : BEAT FOR BEATNIKS • BIG FELLA • BLUEBERRY HILL • NEVER LET GO. THE JOHN BARRY SEVEN : WALK DON’T RUN • I’M MOVING’ ON [THE JOHN BARRY SEVEN PLUS FOUR] • BLACK STOCKINGS • GET LOST JACK FROST • SATURDAY’S CHILD • MAGNIFICENT SEVEN • SKID ROW. JOHN BARRY – BEAT GIRL : MAIN TITLE – BEAT GIRL • THE OFF BEAT • I DID WHAT YOU TOLD ME (CHANTÉ PAR ADAM FAITH) • LINDON HOME ROCK • TIME OUT • THE SHARKS • THE BEAT GIRL SONG (CHANTÉ PAR ADAM FAITH) • THE CITY 2000 A.D. • THE STRIPPER • THE CAVE – BEAT GIRL – KIDS STUFF • MADE YOU (CHANTÉ PAR ADAM FAITH) • CAR CHASE – NIGHT CHASE • CHICKEN • BLUES FOR BEATNICKS • IT’S LEGAL (CHANTÉ PAR SHIRLEY ANNE FIELD) • THE IMMEDIATE PLEASURE • BLONDIE’S STRIP • END SHOT – SLAUGHTER IN SOHO / MAIN TITLE – BEAT GIRL.
CD3 : JOHN BARRY AND HIS ORCHESTRA : THE MENACE • RODEO. THE JOHN BARRY SEVEN : STARFIRE • A MATTER OF WHO [THE JOHN BARRY SEVEN PLUS FOUR]. MICHAEL ANGELO AND HIS ORCHESTRA : ROCCO’S THEME • SPINNEREE. THE JOHN BARRY SEVEN : WATCH YOUR STEP • TWIST IT. JOHN BARRY – STRINGBEAT : IT DOESN’T MATTER ANYMORE • SWEET TALK • MOODY RIVER • THERE’S LIFE IN THE OLD BOY YET • A HANDFUL OF SONGS • LIKE WALTZ • RODEO • DONNA’S THEME • STARFIRE • BAUBLES BANGLES & BEADS (FROM KISMET) • ZAPATA • RUM-DEE-DUM-DEE-DAH • SPANISH HARLEM • MAN FROM MADRID • THE CHALLENGE. MICHAEL ANGELO AND HIS ORCHESTRA: TEARS • THEME FROM “THE ROMAN SPRING OF MRS STONE”. THE JOHN BARRY SEVEN AND ORCHESTRA: CUTTY SARK • LOST PATROL • THE JAMES BOND THEME • THE BLACKSMITH BLUES • THE LOLLY THEME • MARCH OF THE MANDARINS.