Folk |
Outre celle de cinq titres destinés à paraître plus tard la même année sur son premier effort, “U.F.O.”, cette dizaine de démos captées en 1969 (mais recueillies un demi-siècle plus tard auprès de son fils Chris, après le décès de sa veuve Barbara) projette un éclairage intéressant sur l’essence même de l’art du regretté Jim Sullivan. Rien que pour la version dépouillée de “Sandman” (seule de ses compositions à figurer, en trois versions distinctes, sur chacun de ses albums), cette collection posthume mérite déjà le détour: les racines de Sullivan s’y exposent sans fard, puisant sans ambigüité entre Mississippi John Hurt et le révérend Gary Davis, dont Jim avait manifestement étudié assidument les pickings distinctifs. On se prend à essayer d’imaginer ce à quoi des perles telles “What To Tell Her”, “Walls” ou l’amusant “Grandpa’s Trip” eussent pu ressembler, si d’aventure elles avaient bénéficié (ou pâti) des arrangements dont Jimmy Bond gratifia l’album alors en gestation. Le gap n’est jamais aussi flagrant que sur les versions initiales de “So Natural” et “Whistle Stop” ici présentes, nettement plus réminiscentes des Byrds que du psychédélisme naïf finalement retenu pour leur discutablse postérité. Quoi qu’il en soit, cette ultime collection fera davantage fonction de postface que d’épilogue ou d’épitaphe. Comme chacun sait désormais, durant la première semaine de mars 1975, Jim Sullivan, en route vers Nashville pour y tenter une ultime fois de percer dans le monde de la musique, gara son combi Volkswagen à l’orée du désert du Nouveau-Mexique. Le rapport que fit ensuite la police du contenu du véhicule abandonné recensait, outre son portefeuille et sa guitare, un carton comprenant plusieurs exemplaires de chacun de ses deux albums largement invendus. Quelles que demeurent à ce jour les hypothèses relatives à sa disparition, on n’a jamais officiellement retrouvé trace de lui par la suite. Son fantôme hante-t-il encore les pistes embuées qui relient Las Cruces à Sante Fe? Il a en tout cas rejoint depuis le registre mythique des disparitions les plus énigmatiques. En demeure au moins pour legs son étincelant album éponyme…
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, January 28th 2021