JESS JOCOY – Brighter Eyes

Autoproduction
Americana
JESS JOCOY - Brighter Eyes

“Née et élévée à deux heures de voiture au sud de Seattle”, Jess Jocoy pourrait n’être qu’une oie blanche de plus parmi les innombrables impétrantes à papillonner autour des luminaires trompeurs de Nashville. Combien d’entre elles se sont ainsi consumé les ailes en vain? Son indéfectible détermination mise à part, deux ou trois éléments pourraient toutefois la distinguer du lot. Sa voix d’abord: à la fois puissante, évocatrice et modulée, elle véhicule à loisir ce pathos blessé sans lequel il n’est céans pas de country-music possible. Mais bien que certes déterminant, cet atout n’y suffirait pas seul, en ces temps de concurrence et de formatage effrénés. À la fois admirative d’Emmylou Harris, de John Prine et de Jason isbell, la bougresse a affûté, au cours de son auto-apprentissage, une fieffée plume de songwriter. Les quatre nouveaux titres que propose sa première carte de visite post-confinement (après un E.P. paru en 2018, New Heart/ Old Soul, et son album de l’année suivante, le bien intitulé Such A Long Way) attestent que son acuité d’observation, son éloquence et sa conviction n’ont en rien été altérées par cette épreuve. C’est que sous sa manifeste sensibilité, cette donzelle recèle un de ces fichus fighting spirits que décrivit pertinemment le grand Laurent Chalumeau, quand il parlait de ces artistes féminines contraintes à une pugnacité bien plus offensive que celle de leurs équivalents masculins, dans ce rodéo macho que demeure l’industrie de Music Cty. Et tandis que maintes bimbos se soumettent sans sourciller à chaque nouveau canon en vigueur dans ce business sans moralité (au risque de s’y voir conditionnées comme des savonnettes), Jess Jocoy, non contente “de stick to her guns” sur le plan strictement formel (ses tremolos s’accompagnent de pedal-steel, fiddle et harmonica qu’adouberait sans peine Charlie McCoy), s’octroie le culot de dépeindre une rupture conjugale en y adoptant le point de vue du mari (“Mansion On A Hill”), accouchant de facto un instant classic digne de la grande Lucinda Williams. Le plus aérien “Constellations” bénéficie d’un solo cristallin des six cordes de John Cavendish, soutenu par une rythmique aux éperons chromés, tandis que le “Winter” conclusif dresse un judicieux parallèle entre la solitude personnelle et le désarroi planétaire actuel, en une fresque dont la dimension dramatique est magnifiée par un dialogue ombrageux entre pedal-steel et Telecaster… Croyez nous-en: quoi qu’il advienne désormais, cette fille ne reprendra jamais un emploi de serveuse.

Patrick Dallongeville

Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, June 7th 2021

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“Brighter Eyes” single – Jess Jocoy (Audio Only):