Jérôme PIETRI – Last Of The Fishing Days

Kebra's Records / Phoebus Musik / Socadisc
Blues-Rock
Jérôme PIETRI - Last Of The Fishing Days

Changement de registre pour notre guitariste blues national Jérôme Piétri: après son album acoustique “Gone Fishing” (devise putative des abstentionnistes d’hier, et sans doute aussi de ceux de demain), enregistré en 2014 selon la formule one-man band sous laquelle il se produisait alors, il revient au format trio électrique guitare-basse-batterie. Le thème de la pêche prend ici une dimension plus œcuménique, puisqu’il s’agit (comme l’indiquent le titre et l’artwork crépusculaire de cette nouvelle livraison) de sonner l’alerte quant à l’état de notre planète en général, et de ses océans en particulier. Constituant plus des deux tiers de notre biosphère, ces derniers font en effet office de dépotoir géant pour les déchets que produit sans discontinuer notre “civilisation”. Au point que nos historiens contemporains en sont venus à désigner notre ère sous le qualificatif d’Anthropocène: la période où l’empreinte de l’Homme aura été la plus prégnante sur son environnement naturel… Le message est limpide, ce prédateur sans merci de la biodiversité, c’est aussi vous et moi, et il n’est que de contempler l’agrégation en Antarctique des milliards de tonnes de nos rejets plastiques pour s’en persuader. C’est précisément ce que dénonce ici le lancinant “Plastic Island (The 7th Continent)”, rappelant à point nommé le précurseur “Nature’s Disappearing” de John Mayall (avec l’appui des chœurs déchirants de Fabienne Della Moniqua). Sur les riffs conjugués du “I Wish You Would” de Billy Boy Arnold et du “One Way Out” de Rice Miller, la slide furieuse de “Monkey On My Back” donne le ton sur un mambo beat lugubre. Le funky “Rabid Dog”, “Blood Money” et la reprise idoine du “Money” du Floyd dénoncent la voracité dévastatrice d’un capitalisme irresponsable, tandis que le heavy “Collagen Woman” (démarqué du “American Woman” des Canadiens Guess Who) en fait autant des ravages de l’industrie cosmétique et que le swinguant “Big Brother Boogie” déplore la mainmise des réseaux sociaux sur nos vies privées. Comme en attestait déjà sa participation à la tournée Tribute To Pink Floyd, les six cordes électrifiées de Jérôme savent manifestement faire parler la poudre, et c’est ce qu’elles persistent à faire sur les enlevés “If It Bleeds It Leads”, “Fishing In The Rain” et le hendrixien “Trophy” conclusif. Un album remarquable, dont la tonalité traduit l’inclination bienvenue de son auteur envers l’école British Blues de la fin des sixties: amateurs de guitares incendiaires, à table!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, December 19th 2021

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Jérôme Piétri – “Last of the fishing days” LIVE au Tremplin – FISHING IN THE RAIN: