Jazz Funk |
Hormis Toots Thielemans et Lee Oskar, l’harmonica est le plus souvent associé (du moins aux yeux du grand public) au blues, au folk et à la country music. Bien que peu pratiqué en pareil contexte, rien n’interdit cependant aux praticiens de cet instrument de poche de s’aventurer hors de ces contextes, et c’est précisément ce à quoi s’emploie le virtuose Jérôme Peyrelevade sur son second album solo. Faisant partie de ces instrumentistes qui abordent l’harmonica diatonique comme n’importe quel instrument chromatique, il s’initia d’abord au saxophone avant de découvrir l’extraordinaire potentiel expressif de l’harmonica, pour fonder ensuite plusieurs formations blues, rock et funk. Afin d’élargir son vocabulaire et son imaginaire musical, il se dirigea ensuite vers le jazz, qui le poussa à affiner encore sa technique. Considérant que si le jazz est une musique aux multiples possibilités, il devait être en mesure de les jouer toutes sur un instrument unique (les harmonicistes utilisent habituellement un harmonica différent par tonalité), il s’obstina dès lors à jouer exclusivement sur un harmonica en Do, développant une technique d’une rare précision sur cet instrument. Celle-ci lui permettant de jouer avec la même aisance dans toutes les tonalités, il partit à la découverte de multiples styles musicaux, et devint l’inventeur d’une nouvelle génération d’harmonicas diatoniques, commercialisés sous l’égide de la marque ARKIA (dont le brevet est déposé à l’international). Si son premier album, “Somewhere On The Edge Of Time”, était un florilège des divers jazz qui l’ont inspiré (du swing au cool, en passant par la fusion), son successeur est bien plus orienté vers la musique qui le guide au quotidien: un jazz moderne dans un esprit groove et funk vintage. Composant l’ensemble de ses sept plages avec le remarquable guitariste Nicolas Espinasse, Peyrelevade s’appuie en outre sur une section rythmique au groove impressionnant, ainsi qu’un claviériste au Rhodes millésimé. Si l’on peine par moments à distinguer l’harmo d’un synthé ou d’une guitare, l’effet n’en est pas simplement dû à quelque vulgaire pédale d’effets, mais surtout à la technicité de ce diable de Jérôme. Tous les morceaux de “Peacemaker” sont en effet joués sur ce fameux harmonica diatonique accordé en Do. Cet instrument ne proposant que la moitié des notes de la gamme de Do majeur sur trois octaves, toutes les autres sont obtenues en utilisant la langue comme un piston. En l’avançant ou en la reculant, on change la pression d’air à l’intérieur de la chambre, et on peut dès lors faire vibrer l’instrument dans le sens inverse de son fonctionnement naturel (et atteindre ainsi des notes plus aiguës). Tous les demi-tons sur trois octaves deviennent accessibles, soit davantage de notes même que sur un saxophone alto! L’équivalent, à un demi-siècle de distance, du “Blow By Blow” de Jeff Beck (qui marquait alors son virage jazz-rock, comme on l’intitulait alors) et dans la veine de ce que proposaient les Crusaders et George Benson à la même époque, voici donc un album d’une inspiration et d’une exécution époustouflantes. Un éblouissement qui ne manque cependant jamais d’en appeler autant à la danse qu’à l’intelligence: chapeau bas.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 14th 2024
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