JEFFREY MARTIN – Thank God We Left The Garden

Loose // album noté "Indispensable" (et dix points de bonus pour les anglophones!)
Americana, Folk
JEFFREY MARTIN - Thank God We Left The Garden

Basé à Portland, Oregon (dont la population concentre sûrement la plus forte proportion nationale de singers-songwriters à l’hectare, après peut-être Nashville, mais désormais bien avant Memphis et Broadway, et ce même si l’on en exclut les avocats, dentistes, comptables et plombiers qui n’exercent ce vice qu’à temps partiel), Jeffrey Martin est un professeur de littérature anglaise lâchement défroqué. Et plus prosaïquement socialement suicidaire ou inconscient, si l’on se réfère à deux facteurs œuvrant manifestement en sa défaveur: l’époque d’abord, et aussi la concurrence pléthorique en ce domaine. Ce diagnostic lapidaire ne tient toutefois qu’en faisant abstraction des atouts majeurs dont est pourvu le bonhomme, car pour enregistrer ainsi un disque entier presque seul, armé de sa simple guitare, d’un micro et d’un carnet de notes, il faut évidemment davantage que le simple culot. Dès les “Lost Dog”, “Garden” et “Quiet Man” d’ouverture, on est saisi d’un irrépressible sentiment de déjà vu. Bon sang, ce genre d’aplomb dans la harangue, de maîtrise métrique dans la versification et de strumming mâtiné de tourneries en picking, mais c’est bien sûr: c’est la marque de fabrique d’un certain barde d’antan, issu, quant à lui, de Duluth. Qu’il se réfère au “Mind Gardens” de Crosby au temps lointain des Byrds ou à cette strophe de Joni Mitchell sur son propre “Woodstock”, “Garden” dresse en effet un pont séminal entre le Zimmerman de “Gates Of Eden” et celui de “Blood On The Tracks”, et que je sois damné si cela ne vous saute pas aux tympans aussi. Et même s’il faut attendre la troisième plage pour s’en rendre vraiment compte, le gusse n’est pas manchot non plus sur six cordes acoustiques. Ceci est son quatrième album depuis 2009 (il a aussi publié un EP en 2011), et bien qu’on nous l’ait si souvent prédit en pure perte, il semble que cette fois soit la bonne: si nous ne tenons pas là le nouveau Dylan (“Daylight”, “I Didn’t Know”), le nouveau Van Zandt (“Red Station Wagon”, “Sculptor” et “There Is A Treasure”) ni le nouveau Cohen (“All My Love”), on n’en a sans doute jamais été si proche. On a parfois raison de ne pas se décourager.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 3rd 2023

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