Americana, Blues, Rock |
Avec sa dégaine proche de celle du Marlon Brando de “The Missouri Breaks”, il n’est guère étonnant que le culte du regretté Jeffrey Lee Pierce (l’ange crépusculaire du Gun Club) se perpétue plus d’un quart de siècle après sa disparition. Pour le quatrième volet de ces “Sessions Project”, on se doute que l’on n’embarque pas sur un tour de manège à la Foire du Trône. Sous l’égide du chanteur, compositeur et guitariste anglais Cypress Grove (comparse de Pierce pour son ultime album solo, “Ramblin’ Jeffrey Lee” en 1992), ses trois prédécesseurs (“We Are Only Riders” en 2009, “The Journey Is Long” en 2012 et “Axels And Sockets” en 2014) proposaient déjà des participations de Nick Cave, Mark Lanegan, Debbie Harry et Hugo Race, (ainsi que celles de Steve Wynn, David Eugene Edwards et Bertrand Cantat, tous fans de la première heure). Au regard du répertoire et du casting assemblé, le panel oscille ici entre murder ballads (les splendides “Mother Of Earth” par Dave Gahan et “Go Tell The Mountain” par Mark Lanegan, Nick Cave et Warren Ellis, “Idiot Waltz” chuchoté par Cypress Grove, ou encore “Lucky Jim” par Chris Eckman des Walkabouts, avec la chanteuse belge Chantal Acda), comptines punk entre Ramones et Jonathan Richman (“La La Los Angeles” par The Coathangers ou “Debbie By The Christmas Tree” par The Amber Lights, featuring Mick Harvey), psychédélisme façon 13th Floor Elevator et early Boo Radleys (“The Stranger In Our Town” par Peter Hayes, membre fondateur du Brian Jonestown Massacre et du Black Rebel Motorcycle Club, avec Leah Shapiro et Humanist), folk sensible (“Secret Fires” par Suzie Stapleton avec Duke Garwood), Hills Country blues (“Tiger Girl” par Hugo Race with Mick Harvey on drums, qu’adaptent également The Amber Lights dans une veine résolument plus garage) et stoogeries à la “Raw Power” (“Going Down The Red River” par Jim Jones And The Righteous Mind). Nick Cave et son fidèle bras droit Warren Ellis (par ailleurs artisan des trois derniers efforts de Marianne Faithfull) ont en outre arrangé et finalisé une démo inédite (“Yellow Eyes”), dont ils ont conservé la piste vocale et la guitare de Jeffrey Lee, tandis que le piano de Nick y virevolte à la manière de Mike Garson. Ex-égérie de Pierce (qui en fut dévot au point de présider un temps son fan club), l’impériale Debbie Harry délivre en duo avec Cave une bouleversante version du quasi-inédit “On The Other Side”, tandis qu’Alejandro Escovedo investit le tressautant “From Death To Texas” à partir d’une démo couchée par Jeffrey Lee en marge des sessions de son album de 92 avec Cypress Grove, et que la grande Lydia Lunch déclame “Time Drains Away” sur les drones et les arpèges de guitare que lui prodiguent Jozef van Wissem et Jim Jarmusch (de même que Pam Hogg avec Ellis et Youth de Killing Joke sur “I Was Ashamed”, d’après une autre ébauche retrouvée sur cassette). Disponible en CD et en double vinyle, ce remarquable objet s’accompagne d’un copieux livret, et sa front cover est signée Anton Corbijn. Ten years in the making, a real labour of love: à quand un hommage du même tonneau à Chris Bailey?
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, September 26th 2023
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