JAY & THE COOKS – Le Cœur Sec

Juste Une Trace / Socadisc
Americana, Blues, Rock
JAY & THE COOKS - Le Cœur Sec

Sacré bonhomme que ce Jay Ryan, et sacré parcours aussi. Américain à Paris (“non, à Saint-Denis”, tient-il à préciser), ce natif de Chicago passe d’abord par Austin au mitan des seventies, avant d’effectuer un séjour new-yorkais en plein essor de la scène punk locale. Basé dans le fameux Lower East Side, il y survit en exerçant en alternance les édifiants emplois de serveur et de cab-driver, avant de troquer sa basse contre un billet d’avion pour atterrir sur notre Côte d’Azur, et s’y établir d’abord en tant que cuistot. Le démon de la musique ne l’ayant toutefois pas quitté, on ne tarde pas à le reconnaître parmi les Froggies de Johan Asherton, ou aux côtés d’Elliott Murphy, Jesse Garon et Jacno. C’est en 2013 que, désormais relocalisé à la lisière du fameux marché aux puces parisien, paraît le premier album de Jay & The Cooks, formation qu’il agrège avec quelques roués olibrius locaux. Suivront en 2015 I’m Hungry, puis Up The Mississippi en 2018. Mais son ultime grand écart survient à présent, puisqu’il y chante de bout en bout dans sa langue d’adoption, notre français à nous. Sur un irrésistible mode cajun (avec le banjo de Stéphane Missri, le dobro de Christian Poidevin et le violon de Paul Susen), le saisissant “Travailleurs Essentiels” dépeint la condition peu enviable des “salariés de première ligne que l’on envoie à l’abattoir”, tous ces premiers de corvée sacrifiés sur l’autel dévorant de l’économie “quoi qu’il en coûte”, au fil de nos sempiternels reconfinements sanitaires. Avec l’accent presque oublié du regretté Eddie Constantine, les très rock “Presque Foutu”, “Un Verre Au Comptoir” (“boire un verre, refaire le monde”, tout en citant Lester Bangs!) et “Faut Que Je Roule” marient leurs aphorismes désabusés avec la poésie du bitume, tandis que le très Howlin’ Wolf “Un Gars À Respecter” perpétue la mythologie du “real bad dude” si chère aux matamores du blues. “Tu so fuck, tu blémis…”: la surprenante mais irrésistible reprise de son “Je Suis Venu te Dire Que Je M’En Vais” en mode country versant Bakersfield aurait sans doute pâmé son auteur, dont on célèbre ces temps-ci le trentième anniversaire de la disparition. Dans le même registre, le jubilatoire “On Rase Tout” dénonce l’urbanisme galopant qui ronge et détruit inexorablement les ultimes lieux de convivialité de nos banlieues populaires (le “Petit Jardin” de Dutronc et Lanzmann traitait déjà du même thème voici un demi-siècle), tandis que le blues électrique, le vrai, le fourbu au swing relax, s’empare de “La Seine S’en Moque”, “Branché Bio” (que l’on croirait emprunté à Lazy Lester et Slim Harpo) et “Alors Vas-Y Pretty Baby”. On songe à Paul Personne et Benoît Blue Boy, ainsi qu’à la cohorte des Bako Mikaelian, Mauro Serri et Milteau qui les accompagnèrent en leur expédition bleue au pays du blanc-sec. Cette rondelle nous inspire un sentiment devenu presque désuet de nos jours, et qu’on appelle le respect. Mais en battant allègrement du pied tout de même, hein!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, March 28th 2021

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Mais qu’est ce qui a pris à Jay de vouloir chanter en français? Lorsque l’on pense à tous les artistes de l’hexagone qui se compromettent à vouloir chanter en anglais pour faire plus east ou west coast, bronx, ou que sais-je encore… Du coup, il se fourvoie complètement et perd, à mon avis, la crédibilité obtenue lors des sorties précédentes. Entre les musiques folklo country et celles bruyantes évoquant le blues, on cherche désespérément le morceau qui peut retenir notre attention. Même la reprise de “Je suis venu te dire que je m’en vais” n’a rien à voir avec l’esprit de celle chantée par Jane Birkin. Une version à l’esprit bien éloigné de celle écrite par Serge Gainsbourg. Ceci dit, vous avez sur cet album 11 titres bien interprétées par des musiciens qui font leur taf. “La Seine s’en moque” ou “alors vas-y pretty baby” en sont la preuve, musicalement parlant. Mais pour le reste? j’hésite fortement je sors mon Joker! Le cœur est sec mais il en est de même pour nos tympans…

Dominique Boulay
Paris-Move & Blues Magazine (Fr)

PARIS-MOVE, March 31st 2021

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Album à commander sur le site du label Juste une Trace, ICI

Sinon, vous pouvez également le commander sur le site en ligne de la FNAC, ICI

JAY & THE COOKS – JE SUIS VENU TE DIRE QUE JE M’EN VAIS – Entrevue avec Jay Ryan:

JAY & THE COOKS – Le Cœur Sec – Credits:
Jay Ryan : voix, guitares
Stéphane Missri : guitares, banjo
Marten Ingle : contrebasse, basse
Marty Vickers : batterie
Paul Susen : fiddle, mandolines
Christian Poidevin : harmonica, dobro

Toutes les chansons sont éditées par les Éditions AMOC sauf “Je suis venu te dire que je m’en vais”, par Melody Nelson Publishing

Produit par Paul Bessone pour Juste Une Trace
Enregistré, mixé et masterisé par Arnaud Bascuñana au Studio 180
Photographies par Jay Ryan
Design et création graphique par Corinne Garino

“LE COEUR SEC est dédié à Bernard Rousseau qui nous a quittés juste après l’enregistrement de l’album. Bernard était le photographe maison de Jay and The Cooks, il va beaucoup nous manquer.”