Jack F. – Bienvenue au club

Blues, Chanson française

“La poésie contemporaine ne chante plus, elle rampe.
Elle a cependant le privilège de la distinction.
Elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore.
On ne prend les mots qu’avec des gants.
Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n’employer que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu’ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main.
Ce n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse.
Ce n’est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le mot. Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s’ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes.
Le poète d’aujourd’hui doit être d’une caste, d’un parti ou du Tout-Paris.
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé.
La poésie est une clameur.
Elle doit être entendue comme la musique.
Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie.
Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche.
Le vers doit faire l’amour dans la tête des populations.
A l’école de la poésie, on n’apprend pas!
On se bat!”
L’école de la poésie – Extraits de la préface “Poète… à vos papiers” écrite par Léo Ferré en 1956
::::::::::::::::::::::::
Sans vouloir en froisser certains ou certaines, cette expression “chanson française”, aujourd’hui, avouons-le, sert un peu de fourre-tout, car on y trouve de tout, du bon, du moins bon et du n’importe quoi. Alors ne nous égarons pas, car ce genre musical se définit avant tout par la mise en valeur de la langue de Molière. Je sais, le temps ne fait rien à l’affaire, comme le chantait si bien le grand Georges, mais que voulez-vous, Brassens/ Brel/ Ferré/ Barbara ont bercé mon adolescence et Cabrel/ Lavilliers/ Thiéfaine/ Higelin perpétuent ma jeunesse.
Lorsqu’un artiste, je dirai aussi un show man, connu pour ses multiples talents de guitariste, chanteur et harmoniciste dans le milieu du blues et du rock prend ce pseudo de “Jack F.” et vous souhaitant la bienvenue au club, club très prisé de la poésie et de la chanson française, cela peut surprendre. Mais connaissant l’humilité du personnage, ce n’est pas pour rivaliser dans la cour des grands, car il n’a pas cette prétention. Non, simplement il réalise un rêve qui lui tient à coeur depuis longtemps, aboutir à ce projet, le concrétiser en réalisant un album en tant qu’auteur, compositeur et interprète.
Jack F. ouvre les festivités avec dans la voix quelques intonations rappelant cet incontournable artiste, toujours en lice, qui déjà, 4 décennies auparavant se disait qu’il se taperait bien la fille du coupeur de joints.
Vous êtes prêts pour le grand voyage, alors action!
Dès ce premier titre enjoué, l’intitulé de l’album, ‘Bienvenue au club’, Jack F. vous offre un pamphlet irradié de malicieux reflets sur ce club mythique créé dans les années 50 lorsque la France venait d’abandonner les derniers tickets de rationnement. Bien bluesy et espiègle, la guitare vous accompagne pour feuilleter les pages de l’album photos avec quelques clichés bien frappés au pays des tarés.
Pour parfaire cette aventure au gré des 6 titres de l’opus, Jack F. et sa Fender électro acoustique sont solidement accompagnés de musiciens chevronnés. Citons Bruno Manzini, basse et choeurs, Bruno Mas, batterie et percussions, Benoist Lemarchand, également derrière les fûts, Philo Boogie aux guitares électriques et choeurs, ainsi que deux invités.
Sur ce blues lent, ‘Showdown blues’, titre en anglais mais texte en français (!), Jack F. ne renie pas ses origines, le sang bleuté coule dans ses veines, et complices sous l’emprise de ses mains expertes et celles de Philo Boogie, leurs guitares respectives dévoilent chacune leur zone érogène. Je vous assure, c’est jouissif, avec un superbe texte, une confrontation, un compte à régler avec cette femme qui a filé à l’anglaise.
Quelques rythmes bossa nova, ambiance piano bar, ce titre “à part ça…” est une réflexion emprunte de nostalgie. Que reste t-il après tout ce temps, un rien du parfum subtil de nos éclats de plaisir dans des albums souvenirs, mais c’est si loin déjà, à part ça… et cette chanson débile qui tourne sur la platine. Texte très prenant, où chacun, un jour peut se reconnaitre et verser une larme.
Contestataire à juste titre, Jack F. se lâche sur ce Blues explosif, avec la présence de Pap’s Walker à l’harmonica, ‘La symphonie des vils’, la rage au ventre, il chante “juste un homme seul dans la city que les normes mènent à l’asphyxie, juste un monde où abondent les sens interdits……”
La guitare se la joue quelque peu jazz manouche sur ce titre ‘La menthe’, plante herbacée qui a la réputation d’être aphrodisiaque, du moins c’est ce que l’on dit. Alors Jack F. semble en abuser sous toutes ses formes et l’avoue, “j’aime la menthe, je ferai volontiers de la menthe mon amante sur de la glace pilée.”
Un denier titre pour quelques frissons supplémentaires, si besoin encore était, avec aux choeurs Marie, sa Dame de coeur sur ‘Tant besoin de toi’ avec encore un texte magique, “J’entends encore pleurer ma mère sur ma folie, ma faiblesse. Je roule vers toi, j’écoute à la radio un vieux blues qui dit comme ça, tant besoin de toi, tant besoin de toi…”
Jack F. le dit lui-même, ce disque est un rêve de gosse. Paroles et musique sont de Jack Février, les arrangements de B. Manzini, B. Mas, P. Boogie et Jack Février, ce dernier présent au chant, guitare acoustique, guitare slide et harmonica sur cet album.
Personnellement, j’aime la chanson française et j’aime le blues. Jack F. excelle dans ces 2 disciplines, chez lui le verbe est haut et le mot imagé, sans rince-doigts ni baise-main.
La question peut se poser concernant cette croustillante galette, chanson française/ blues ou l’inverse… ce qui revient au même, après tout, et peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. J’ai totalement craqué sur ces textes et cette musique du diable, et je vous conseille d’en faire autant en vous procurant cet album. Vous pouvez le commander sur la page Facebook de Jack F., ICI
Et en cadeau, pour vous amis lecteurs de Paris-Move, voici le teaser avec quelques extraits du concert donné au Plan à Ris Orangis le 16 juin dernier, ICI.

Que vous dire de plus, sinon Bienvenue au club!

Alain AJ-Blues
Paris-Move