Blues

Jack Bon, c’est une tranche d’histoire du boogie français. Ganafoul, son combo originel, tenait à la fin des seventies la dragée haute à Backstage (où officiait le futur Paul Personne), Factory et autres Shakin’ Street, tandis que Bijou, Dogs et Little Bob s’éreintaient derrière Trust et Téléphone. Toute une époque, on vous dit… Trente ans plus tard (après un Live de furtive reformation au Transbordeur de Lyon en 98, et une carrière solo sanctionnée en 2002 par un album chez Frémeaux), Jack a remis ça en trio. Son format de prédilection. Du boogie-rock furieux subsiste un feeling naturel pour le blues, qu’il demeure électrique, ou qu’il s’envisage encore, comme cette fois, sur le mode boisé. L’occasion d’apprécier le picking alerte de ce guitar-hero aussi modeste que cependant brillant, soutenu avec swing et tact par l’une des meilleures paires rythmiques de l’Hexagone. Revisitant une douzaine de standards chers à leur coeur, Jack et ses acolytes trouvent moyen de donner à "High Heel Sneakers" et au "Pills" de Bo Diddley un drive nonchalant digne de J.J. Cale. La slide cisaille avec moelleux et précision "Spoonful" et le "Living The Blues" de Dylan, tandis que "They’re Red Hot" de Robert Johnson accuse sa touche ragtime, que le "Don’t You Just Know It" de Huey Smith (dont Dr. Feelgood fit ses choux gras) fait twister le boogaloo et que le "Corrina" de Taj Mahal recouvre ses effluves caribéennes. Ajoutez-y de savoureuses relectures de "I Ain’t Got You" et "You Never Can Tell", et vous obtenez l’album idéal de milieu de soirée. Le genre à s’immiscer insidieusement dans les conversations, tandis que vos convives loueront votre bon goût et votre à-propos. Plaisir garanti!