ISRAEL NASH – Ozarker

Loose
Americana, Classic Rock
ISRAEL NASH - Ozarker

On devrait toujours se méfier des apparences. Ainsi, le pékin moyen (vous, moi) aurait vite fait, en associant le nom et le prénom ci-dessus, de se représenter une bande de rastamen paraplégiques accommodant à la sauce ragga les litanies du plus mièvre des ex-membres de CSN&Y. Alors que l’on se trouve plutôt confronté ici à une fable moderne telle qu’en distillaient des auteurs tels que Steinbeck et Kipling. À la manière d’un Mowgli, Israel Nash Gripka, fils d’un pasteur rigoriste du Missouri, commença en effet par se chauffer les ailes sous les néons de la Grosse Pomme, dont il écuma six ans durant les clubs locaux, et où il accomplit ses premiers pas discographiques. Après un “New-York Town” autoproduit en 2009 (diffusé chez nous par Continental Records Service), “Barn Doors And Concrete Floors” (produit par Steve Shelley de Sonic Youth) le révéla deux ans plus tard. Nous avions chroniqué son huitième effort dans ces colonnes (ICI), et il était déjà bien difficile d’y déceler la moindre trace de son lointain séjour en milieu urbain, tant son discours semblait empreint de l’environnement pastoral où il coule désormais des jours heureux. Pour cette nouvelle livraison, ce Nash-ci se penche sur ses racines familiales, et célèbre, depuis son ranch de Dripping Springs, Texas, l’héritage culturel et familial que lui léguèrent ses grand-parents, natifs de la région des Ozark Mountains. Dès la cavalcade romantique “Can’t Stop”, on y retrouve l’esprit grisant de liberté qu’exaltent les grands espaces, et que colportait déjà le “Against The Wind” de Bob Seger. Steel guitar en sautoir, chœurs façon Eagles et lyrisme entre John Mellencamp et Christine McVie : la marque du producteur Kevin Ratterman (My Morning Jacket, Ray LaMontagne) s’y montre bien prégnante, et des plages telles que “Roman Candle”,  “Going Back”, “Travel On” ou la titulaire perpétuent le souffle épique du regretté Tom Petty et de sa fan endeuillée n°1, Lucinda Williams. Aussi réflexif et contemplatif qu’il se présente, ce disque n’en demeure pas moins un cran plus musclé que son prédécesseur, tant sur le plan du propos que de la forme. Et si les claviers et guitares y participent d’arrangements évoquant l’âge d’or de Springsteen (“Pieces”, “Midnight Hour”, “Shadowland”) et de Neil Young (“Firedance”, “Lost In America”), le beat s’y révèle aussi languide et au fond du temps qu’irrépressiblement dynamique. En résumé, amateurs de classic-rok americana intemporel (des Stones de “Dead Flowers” au “The River” du Boss et au “The Pretender” de Jackson Browne), sus : s’il n’est plus question de réinventer le genre, peu d’artistes contemporains parviennent encore à le réenchanter à ce point.

Patrick DALLONGEVILLE
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 13th 2023

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