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La Corée du Sud n’a (heureusement) pas offert au monde que la K-Pop. Partageant son temps entre New-York et Séoul, la pianiste, compositrice, arrangeuse et band-leader Iseul Kim mène depuis une dizaine d’années une brillante carrière internationale, et sa discographie est le reflet de ses multiples expressions. Depuis l’ensembe Two Voices (qui comprend en fait neuf musiciens), avec lequel elle a enregistré l’an dernier l’album “Evolving”, jusqu’à sa prestation en trio jazz (“True Me” en 2022), en passant par le quintette Liberosis, dont elle nous livre déjà le quatrième volet en six ans. Inspiré à l’origine par ses pérégrinations sud-américaines en Argentine, le premier Liberosis marquait l’influence du New Tango local, tandis que son successeur, “Luna”, bénéficiait de celles de l’Afrique (cf. “Sahara”). Ce “Re-Mind” croise à nouveau ces références, en y ajoutant celles liées à la musique traditionnelle coréenne, tout en perpétuant l’esprit aventureux que favorise le recours à l’improvisation (chacun de ses comparses coréens s’y révélant des plus aptes). S’ouvrant sur le dansant three-steps “Boundaries (Title)”, le mariage entre piano, section rythmique contrebasse-batterie et cordes classiques (violon et violoncelle) donne le vertige, comme si l’on entendait Dave Brubeck et Horace Silver dialoguant avec Debussy et Stravinsky. S’il s’agit d’abolir les barrières entre les genres (entreprise déjà bien engagée), on ne peut qu’en saluer la démarche, que confortent haut la main la plage titulaire et “A Bag Of Rice” (où Ravel en remontre à Astor Piazzola sur percussions latines). “Improvisation With Jaewon” (c’est le prénom du batteur) procure la réjouissante impression de surprendre Érik Satie tapant le bœuf au zinc du coin avec un percussionniste de comptoir. Cette comparaison se prolonge avec “New Iseul”, que cette dernière interprète en solo intégral. Le bien intitulé “Change” nous donne à entendre un bandonéon (joué par Hanel Yeon) et un saxophone, sur un beat et des breaks devant beaucoup à Carlos Gardel, tandis que le vaporeux “Lost In Time” déploie ses volutes de cordes pour sertir la mélancolie du piano et des anches. Ce splendide album se clôt sur un “No Escape Ver 2023”, réminiscent des expériences du Gotan Project. Supérieurement construite et librement élaborée, la musique que nous propose Iseul Kim ne se montre jamais absconse pour autant. On en sort ravi, et on y retourne avec bonheur: vive le tango sud-coréen!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, October 20th 2024
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