| Blues |
Monumental, géant, indispensable, incontournable,… les qualificatifs se bousculent au portillon pour qualifier ce coffret triple CD proposé par Dixiefrog et qui vous présente (enfin !) l’autre face de la musique indienne.
Ici pas de reprise des chants traditionnels tels que vous pouvez les entendre habituellement sur des galettes commerciales qui caricaturent, à force, ces chants venus d’au-delà les montagnes et qui transportent les âmes des anciens.
Ici vous avez une palette de tout ce que les indiens peuvent exprimer aujourd’hui, à la force de guitares électriques pour certains, à la six cordes acoustique pour d’autres, via les urban sounds ou le rap pour d’autres, et de façon traditionnelle, bien entendu, dans le plus pur respect des anciens.
Ici, c’est le cri de tout un peuple, de générations entières sacrifiées et oubliées qui vous saute au visage et aux oreilles. Les mots ne sont ni agressifs ni vulgaires mais expriment en quelques mots simples toute la douleur d’un peuple qui fut massacré, quasi exterminé pour être parqué dans des réserves. Cela vous est dit avec la puissance des guitares électriques, la force maîtrisée du rap et le calme de guitares acoustiques.
Au travers des 3 CD vous accomplirez un parcours initiatique qui ne vous laissera jamais indifférent.
Saluons ici l’énorme travail de recherche et d’enregistrement effectué par Guy ‘l’américain’ Fay, soutenu sur ce projet par Pura Fe’ (qui chante ‘Stand Up For Human Pride’ sur le CD 3), Elaine Bloomberry et le patron de Dixiefrog, Philippe Langlois. Six mois de route, des USA au Canada, 30 heures de film, des centaines d’enregistrements collectés au cours de ce périple pour un monument musical, et sans aucun doute ‘le’ monument musical de ce début d’année 2009.
L’âme indienne et la réalité de ce peuple sont présentes partout dans les 48 titres alignés ici, traduites par les mots les plus simples mais les plus forts: reservation, mother earth, brothers and sisters, eagle, warrior,…et…genocide.
Des mots qui traduisent non seulement une histoire, un passé, mais aussi une réalité. Une réalité que la nouvelle génération exprime au travers de chansons-testaments, accompagnés d’instruments électrifiés aux côtés desquels souffle toujours la flûte traditionnelle ou résonne encore le tambour des chamanes.
Véritables moments d’émotion, des titres tels ‘Shed Allot Of Light’ (par Wayne Lavallee – sur le CD 1), ‘Layla’s Lullaby’ (par Sandy Scofield – CD 2) ou encore le superbe ‘Heart of The Eagle’ (par Murray Porter – CD 1) et le très émouvant ‘Witchi Tai To’ (par Joy Harjo – CD 3) vous feront dresser les poils, chavirer le cœur et monter les larmes aux yeux. L’émotion est dans certains titres si intense, si palpable, que vous ne pourrez plus jamais regarder de la même manière le visage buriné par le temps du vieil indien qui est en couv du coffret, et comme moi, vous ferez tourner ces galettes jusqu’à vous dire que peut être, oui, un jour, les USA éliront un Président indien.
Et pour ceux qui hésiteraient encore, envoyez-vous ‘Good Ol’ Amerikka’, par Quese IMC, et vous prendrez en pleine figure l’un des rap les plus mélodieux, les plus soft (musicalement parlant), mais d’une violence verbale tellement maîtrisée que vous en arriverez à jeter par la fenêtre tout ce que vous aviez pu entendre comme rap agressif ou vulgaire made in the USA.
Dixiefrog ne faisant jamais les choses à moitié, chacun des trois CD vous offre une séquence vidéo en Bonus, et le tout vous est livré dans un coffret-digipack de luxe (digne d’une série limitée ou d’un collector), avec un superbe livret de 48 pages.
Monumental, géant, indispensable, incontournable, vous disais-je. Et prenez garde à la suite: après un tel monument, beaucoup de vos CD vous paraitront fades, sans couleurs, et ce n’est que reconnaissance méritée pour ceux qui vous chantent ici l’âme de tout un peuple.
Frankie Bluesy Pfeiffer
