Folk, Soul |
Homer Steinweiss: si la lecture consécutive de ces deux mots ne vous évoque rien, vous pouvez retourner jouer avec les gamins de votre quartier en écoutant le dernier Roméo Elvis et PNL, au lieu d’importuner les adultes. Car Steinweiss n’est autre que l’un des émérites house-drummers de Daptone Records. Le genre de machine à frapper auquel recourent des producteurs tels que Gabriel Roth et Mark Ronson, quand il s’agit d’usiner un groove au poil et de turbiner le funk aux petits oignons. Le type de cave à pouvoir aligner sur son CV des sessions pour Sharon Jones, Charles Bradley et Amy Winehouse, sans oser pourtant toujours s’en vanter, au regard de la poisse que le destin infligea à ces artistes. Comme si d’avoir fourbi le beat de “Back To Black”, “Changes” et “100 Days & 100 Nights” pouvait avoir eu la moindre incidence néfaste sur la pulsion vitale des susnommés… Bref, comme tant d’autres champions, ce brave Homer (prénom si cher au cœur de Marge Simpson) cultive en douce un jardin secret, une sorte de marotte. Oh, rien de coupable, non, mais une lubie à laquelle on ne s’attendait pas à le surprendre. Il ne s’agit pas de philatélie ni d’entomologie, mais le connaissant comme on le pensait, la révélation étonne tout de même. Car, croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer, Homer conçoit une passion cachée pour… le folk. La plupart des batteurs soul assument plutôt un complexe jazz, et mentionnent Bernard “Pretty” Purdie, Art Blakey ou Jo Jones, voire Steve Gadd, mais Pete Seeger et le Chad Mitchell Trio, franchement, je vous le demande?… Toujours est-il qu’Homer a trouvé chez le jeune chanteur et guitariste Paul Spring (ce nom n’évoque-t-il pas déjà de vertes prairies?) prétexte à effectuer son coming-out. Avec le renfort du bassiste Joe Harrison, ces deux-là forment donc la Sainte-Ruche (blase qui chez nous renverrait plutôt à Frédéric Dard) et donc HOLY HIVE, dont ils livrent à présent la première récolte. Toute prévention bue, on glisse la rondelle dans le chauffe-plat, pour ne s’en trouver au demeurant que modérément surpris. Marié au falsetto de Spring, le beat de “Broom” et “Hypnosis” rappelle en effet celui qui sous-tendait les enregistrements seventies des regrettés Curtis Mayfield, Donny Hathaway et Bill Withers (voire ceux de Roberta Flack et Carly Simon). Certains de ces titres n’auraient même pas dépareillé le catalogue Daptone (ainsi de “Blue Light” et “Embers To Ash”), tant on y retrouve avec plaisir le son pète-sec caractéristique de cette piccolo snare en érable, au timbre subtilement relâché (Hal Blaine devait avoir la même). La plage titulaire, ainsi que “Didn’t You Say”, “Cynthia’s Celebration”, “Sophia’s Part” et leur relecture du traditionnel irlandais “Red Is The Rose” ne s’en escriment pas moins à pasticher les Beach Boys de “Sunflower”. Qu’avec ses flûtiaux et ses cuivres langoureux, “Oh I Miss Her So” frise la mièvrerie des Carpenters, et que le picking scolaire et le tambourin de “Be Thou By My Side” feraient presque passer Simon & Garfunkel pour Run DMC, ne revêt dès lors qu’une importance relative. On n’en demeure pas moins en territoire de connaissance, cette time-capsule si prompte à titiller la fibre nostalgique (et souvent honteuse) de quiconque fut exposé aux programmes radio entre 1970 et 1975. Si par contre vous ne fûtes conçu par certains de ces derniers qu’au cours des décennies suivantes, vous avez tout loisir de passer votre tour.
Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder
PARIS-MOVE, June 1st 2020
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Mr Léon Michels et son jeune label (22 artistes ont signé avec lui…) ont le don de dénicher de véritables perles et ils nous le prouvent aujourd’hui avec la sortie du premier album de ce trio originaire de Brooklyn. HOLY HIVE, c’est la rencontre improbable entre un redoutable batteur de Soul, Homer Steinweiss (Sharon Jones, Lady Gaga, Amy Winehouse, Sheryl Crow, Bruno Mars), grand fan également de musique folk, Paul Spring, guitare et chanteur de folk à la voix de falseto (7 albums à son actif) et Joe Harrison, bassiste (Frank Dukes, Charles Bradley). Ils ont enregistré l’album aux Studios Diamond dans le Queens avec quelques proches: Mary Lattimore à la harpe, Leon Michels au saxophone, Shannon Wise au chant, Dave Guy (The Roots) à la trompette, Nick Movshon à la basse, la femme de Paul Spring au piano, et Sophia Heymans. HOLY HIVE nous offre 12 titres sur ce premier album dont le “Be Thou By My Side” des anglais Honeybus et la chanson de folk irlandaise “Red Is The Rose”. Cet album est plus que surprenant puisqu’il crée un nouveau style musical, la Soul Folk, la fusion parfaite entre les traditions et le lyrisme de la musique folk et l’esthétisme et le rythme de la Soul. Une écoute salvatrice dans le monde de violence qui nous entoure!
Dominique Boulay
PARIS-MOVE & Blues Magazine (Fr)
PARIS-MOVE, June 4th 2020
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HOLY HIVE – Float Back To You: un album à retrouver sur le bandcamp de Holy Hive, ICI