Garage Rock |

“You can’t judge a book by looking at the cover“, décréta un jour Willie Dixon, par la voix de Bo Diddley. Certes, votre Honneur, mais il n’empêche que voici sans doute la plus belle pochette de disque rock depuis “Will The Guns Come Out” d’Hanni El Khatib et “Balboa Island” des Pretty Things, non? Ce qui positionne d’emblée la barre un peu haut. On pourrait sans doute discuter sans fin de l’importance cruciale du look dans le marketing du rock n’ roll (quitte à tenter d’expliquer ainsi pourquoi des afflictions comme Roxette et InxS sont parvenues à mortifier dans les charts les performances picrocholines des Real Kids et des Kursaal Flyers, par exemple). Mais nous ne sommes ni Vogue Homme, ni les suppléments week-end du Figaro Madame et du Monde… So, meanwhile, back in the jungle, comme le chantaient les New-York Dolls et les Cadets. Baptisé d’après le titre d’un classique mineur du cinéma britannique, réalisé en 1932 par Michael Powell, His Lordship résulte de la rencontre fortuite du guitariste anglais James Walbourne et du batteur danois Kristoffer Sonne, tandis qu’ils cachetonnaient en mercenaires dévoués derrière Chrissie Hynde, pour la nième mouture en date des Pretenders (quel nom de groupe fut-il jamais plus prémonitoire?). Entre deux manifs végan, dédicaces de ses mémoires et expositions de ses croutes, leur patronne suggéra aux deux larrons d’occuper intelligemment leur temps libre. Ces derniers se piquèrent sitôt de fonder un duo high-energy minimaliste, selon le format duquel ils commencèrent par hanter ce qui subsiste encore du pub circuit jadis florissant en Albion. À la suite d’un premier album expéditif sorti l’an dernier (“All Cranked Up”), ainsi que d’un “Live At The Lexington” où la testostérone s’exprimait avec l’urgence d’une attaque cardiaque, les voici donc rendus à l’épreuve réputée terrible du “second album problématique“… De celles dont certains, même parmi les plus grands (Jam, Television, Eddie & The Hot Rods…), ne sortirent pas indemnes. Enregistré dans le cadre idyllique du studio d’Edwyn Collins (situé en bord de mer, dans les Highlands écossais), le bestiau en question ne transpire cependant guère le farniente pour autant. Co-produit par David Wrench (XX, Hot Chip, Courtney Barnett) et Tchad Blake (Black Keys, Arctic Monkeys), cet opus renouvelle déjà l’exploit réalisé par son prédécesseur, en alignant douze titres pied au plancher en une modeste demi-heure chrono. Ouvrant les hostilités, la plage titulaire donne l’impression d’entendre Sham 69 soulever les gradins du stade de Chelsea, sur un riff devant autant aux Strokes qu’au “My Sharona” de The Knack (dont “Weirdo In The Park” propose par ailleurs une autre variante). L’énigmatico-frénétique “Marc-André Leclerc” ne semble pourtant pas destiné à figurer en tête de gondole chez notre Michel-Édouard national, et le “Old Romantic” qui le suit rappelle davantage le chahut initié par les Cramps voici près d’un demi-siècle (de même que le psycho-twist “Downertown”), tandis qu’avec son riff et ses zébrures de guitares, “Johnny Got No Beef” ressuscite la chutzpah des Libertines circa “Up The Bracket”, et qu’avec son mid-tempo balourd, son piano et ses chœurs sarcastiques cockney en diable, le tubesque “Derek E. Fudge” ne peut manquer d’évoquer le regretté Ian Dury. C’est vers les Buzzcocks qu’incline l’ADN du poppy “12-12-21”, avec ses chœurs surf sur cloison de guitares saturées, et son beat de tom-toms martiaux. Avec son intro stridente et son refrain étrangement réminiscent des girl-groups des sixties, “The Sadness Of King Kong” n’aurait pas déparé le répertoire des défunts New-York Dolls, et le single speedé “I Fly Planes Into Hurricanes” invoque les âmes de formations damnées telles que Radio Birdman, les Lords Of Altamont et la Jim Jones Revue, avant que l’instrumental surf “Gin And Fog” ne sonne la fin de partie en mode “Duane Eddy meets Ennio Morricone chez Roger Corman“. Un disque qui renvoie le teen-ager que je fus à sa propension d’alors à se repasser en boucle le “Shake Appeal” des Stooges, plutôt que de se fader “Raw Power” dans son intégralité. En matière de rock urgent, rien ne vaut en effet le format court, et le chemin le plus bref d’un poing (américain) à un autre passe assurément par His Lordship (which we worship). Uppercut.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, June 20th 2025
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Les covers des albums cités en début de chronique:
HIS LORDSHIP – Bored Animal: