HEROES OF PUB ROCK – Living On The Front Line

Gonzo Mumtimedia
Pub Rock

À en croire l’un de ses principaux protagonistes, Wilko Johnson himself, le Pub Rock ne constitua jamais un mouvement homogène, tout au plus un circuit de diffusion. En effet, par delà l’étiquette collective que leur appliqua la presse musicale anglaise d’alors, quoi de commun entre Brinsley Schwarz, Chilli Willi, Bees Make Honey et les Count Bishops…? Par delà les porte-flambeaux de cette vague qu’incarnaient Dr. Feelgood et les Kursaal Flyers (ne précédant le punk que de quelques mois, avant d’être engloutis par lui), une floppée de formations moins opiniâtres ne tardèrent pas à capituler au champ d’honneur. Deux anthologies vinyle rendirent compte de cette scène un temps bourgeonnante, par le truchement d’enregistrements captés lors de sets mémorables dans l’un de leurs fiefs, le Hope & Anchor d’Islington: le double LP “Hope & Anchor Front Row Festival” que publia Warner Bros en 1978, et le “London R&B Sessions”, saisi au même endroit en novembre et décembre 79 (et édité l’année suivante sur le confidentiel label Albion). Témoignant de l’énergie communicative de leurs prestations, ces trois galettes proposaient ainsi le Lew Lewis Reformer, les Little Roosters, le Blues Band, les Bishops, le Steve Gibbons Band, les Stranglers, Dire Straits et les Saints – bonjour le foutoir!
Quinze ans plus tard, la compagnie discount Thunderbolt mit à son tour sur le marché la compile Pub Rock dont il est ici question. Points communs avec les deux précédentes, les Pirates et ce brave Wilko y côtoient les Ducks Deluxe, dont trois extraits de l’ultime concert (au Dingwalls, le 1er juillet 75) figuraient en guest le regretté Lee Brilleaux, pour un “Route 66” fleurant son litron de joviale ébriété. Mais l’amateur pointu de ce courant (mariant allègrement breuvages houblonnés et transpiration survoltée) s’alertera d’abord des six titres du soundtrack (jusqu’ici quasi-introuvable) d’une vidéo live des Pirates de Mick Green. “I Can Tell”, “Gibson, Martin, Fender”, “Lonesome Train”, “You Don’t Own Me”, “Talkin ’bout You” et l’increvable “Shakin’ All Over” sont ici servis chauds bouillants par ce trio de flibustiers en bamboche. Si les aficionados ne salivent pas déjà à cette seule évocation, sachez que cette collection comprend aussi dans son intégralité l’unique E.P. de l’éphémère Wilko Johnson & Lew Lewis Band. Rien que pour “Caravan Man” (reggae-dub envapé éructé par un Lewis hagard, son harmo noyé dans un delay de smog), “I Wanna Be Your Lover” et le “Bottle Up And Go” qui intitulait initialement l’objet, on se ruera sans autre forme de procès sur ce bric-à-brac, bien qu’il offre en conclusion hors sujet cinq titres de l’unique (et quelque peu électro-louchecaille) LP solo du même Mick Green en 1986. McCartney ne l’engagera pas moins deux ans plus tard pour son propre “Choba B CCCP” (puis en 1999 pour “Run Devil Run”). Bref, une belle brochette de collectors items à la portée de toutes les bourses!

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder