HENRI TEXIER – Heteroklite Lockdown

Label Bleu / L'autre Distribution
Jazz
HENRI TEXIER - Heteroklite Lockdown

Dans la famille Texier, je demande d’abord le père, bien sûr. De ses lointains débuts à l’orée des sixties (auprès de Jef Gilson puis Phil Woods, Randy Weston ou Martial Solal) à ses détours early-seventies par ce qu’on dénommait alors la pop music (au sein de Total Issue avec son complice Aldo Romano, ou Catherine Ribeiro+Alpes, voire Il Était Une Fois!), puis à sa carrière “solo” (où il côtoya à satiété des “tontons” tels que Louis Sclavis, Michel Portal, Bojan Z ou François Jeanneau), on ne dénombre plus ses contributions au paysage jazz international et hexagonal. Mais depuis près d’un quart de siècle, on ne peut désormais manquer de mentionner aussi son fils, Sébastien. Et ce, sans que l’on puisse parler de relève proprement dite, puisque ce dernier ne pratique pas la contrebasse comme papa, mais le saxo et la clarinette. Multipliant à son tour les collaborations, Sébastien Texier a naturellement incorporé son paternel parmi le cercle de ses partenaires, mais c’est à l’occasion du long confinement qu’ils traversèrent depuis le même village qu’ils ont commencé à se retrouver en duo régulier, “afin de ne pas laisser la musique nous échapper”, comme le souligne Henri. Aussi, quand l’occasion de se produire live (mais sans public), depuis la scène du Triton, sur les ondes de France-Musique (dans l’émission “Jazz Club” d’Yvan Amar), ont-il saisi l’occasion au vol, en convoquant l’excellent batteur Gautier Garrigue pour compléter leur trio. Alternant standards revisités (“Round About Midnight” de Monk, “What Is This Thing Called Love” de Cole Porter ou cette scie de “Besame Mucho”, que les Beatles eux-mêmes interprétèrent lors de leur première – et infructueuse – audition Decca) à trois compos de Henri (dont une reprise de son “Izlaz” de 1988, et une de “Fertile Danse”, paru dix ans plus tard) ainsi que celles de chacun de ses complices, pour faire bonne mesure. Se dédiant exclusivement au sax alto sur l’ensemble de ces huit plages, Sébastien y déroule des chorus ourlés ne s’éloignant jamais d’une scrupuleuse fidélité à la mélodie des thèmes abordés, tandis que la section rythmique s’y autorise parcimonieusement quelques sporadiques facéties. Unique nouvel original signé Henri, “Bacri’s Mood” rend un hommage malicieux à notre regretté et bougon Jean-Pierre national, prétexte à un fugace duo contrebasse-batterie, tandis que l’instrument de Sébastien y distille un lyrisme sérénissime. Si les sticks de Gautier prennent leur essor en solo sur le classique de Porter (ainsi que sur “Fertile Danse”), son unique composition s’ancre résolument dans la coolitude la plus straight, tout comme comme le “Take Your Time” de Sébastien et le méditatif “Izlaz” conclusif. La captation spontanée de trois équilibristes de haute volée, au faîte de leur art.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, January 28th 2022

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