Americana |
Bien qu’ayant (modestement) débuté sa carrière au début de ce millénaire, la chanteuse, guitariste et songwriter Heather Little ne nous propose que son second album à ce jour. Et encore, le précédent date de onze ans déjà! C’est qu’elle a longtemps hésité à se lancer en tant que performing artist, préférant demeurer dans l’ombre à écrire des chansons qui ne lui valaient le succès que par l’interprétation qu’en donnaient d’autres artistes. C’est ainsi que, bien que par deux fois lauréate d’un BMI Award pour certains de ses titres repris par de grands noms de la country, elle s’est longtemps définie comme “your favourite songwriter’s favourite’s songwriter”… Ce “By Now” succède donc à son premier “Wings Like These” de 2013, et elle le décrit comme “l’album qu’elle aura mis 46 ans à réaliser”… Rien n’y a été laissé au hasard: à ses côtés, outre de prestigieux guests tels que la grande Patty Griffin et Ronnie Bowman, ce sont près de 25 vocalistes et musiciens qui lui prêtent main forte, tandis qu’elle signe seule douze des treize originaux ci-devant (ainsi que le dernier, avec Miranda Lambert). Et dès le “Five Deer County” d’ouverture, on saisit ce qui distingue cette Little de la masse de songwriters qui gravitent de nos jours autour de Nashville et Hollywood: un peu comme la grande Lucinda Williams de “Car Wheels On A Gravel Road”, Heather ne s’embarrasse pas de métaphores alambiquées pour traiter du vécu de ses contemporain(e)s. On retrouve chez elle l’essence même de la fonction originelle de la country music: traiter, en des termes immédiatement compréhensibles par ses auditeurs, de leurs propres vicissitudes sociales, affectives et psychologiques. Et ce, sans condescendance ni pathos exagéré, mais avec une empathie sans borne, ni affectation. De désillusions amoureuses et maritales (cette première plage, ainsi que ces “Hands Like Mine” et “This Life Without You” – toutes deux en duo avec Patty Criffin – ou encore les poignants “Sunset Inn” et “Saint Christopher” – ce dernier avec Crystal Bowersox), en considérations sur ce que la marche du temps imprime à notre intimité (“Transistor Radio”), en passant par les stigmates qu’infligent certains parents à leurs proches (“My Father’s Roof”), chaque titre s’adresse ici au cœur. Sur le plan des arrangements, cet album se situe aussi au top de la first league: de l’accordéon discret et plaintif de Stefano Belistano sur “Hands Like Mine”, à la pedal-steel de “Five Deer County” et à la viole de “Razor Wire” (Niamh Varian-Barry), tout semble ici pesé, et tout fait mouche (il faut rendre hommage sur ce point à la prise de son et au mix de Brian Brinkerhoff). Il n’est pas superflu de mentionner quelle vocaliste sensible et émouvante se confirme en outre Miss Little: rien que sur le languide “Bones” et le “Better By Now” titulaire (en duo avec Ronnie Bowman), elle tutoie des reines telles que Emmylou Harris et Aimee Mann. Le genre de classique intemporel qui vous fera assurément de l’usage pour longtemps.
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, April 22nd 2024
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