Blues

Originaire de Corée du Sud, la jeune pianiste et chanteuse Hanna PK s’est établie sur la scène blues et boogie-woogie de Rochester, NY, où elle suscita l’attention de vétérans locaux tels que John Cole et Joe Beard (avec lequel elle s’est produite à nombreuses reprises). À la tête depuis 2015 de sa propre formation, Hanna & The Blue Hearts, elle a représenté son État à l’International Blues Challenge de Memphis en janvier 2019, après avoir remporté le premier prix lors du Memphis Bound Contest qui en organise les pré-sélections. Ayant déjà auto-produit deux albums (“Rearview Mirror” en 2016, et “The Blues Is Here To Stay” en 2018), la voici à présent produite par le prestigieux Kenny Neal pour son premier LP d’audience internationale, sur le label que dirigent de concert Richard Rosenblatt et Bob Margolin. Elle y dispense dix originaux, et dès “Mirror Mirror” qui ouvre le ban (avec l’apport bienvenu de l’harmonica de Kenny, qui y intervient également à la basse et aux six cordes), on est saisi par l’autorité de son timbre vocal puissant et évocateur (manifestement puisé aux sources des plus antiques female blues singers). Le boogie dont elle s’est fait une spécialité déboule ensuite dans la plus pure ligne barrrelhouse, avec ce “Bad Woman” où elle démontre tout ce que lui a enseigné l’étude des pionniers du genre. Passé le dépaysement qu’inspire le son quelque peu métallique de son piano électrique (forcément distinct de celui de ses ancêtres acoustiques), la conviction avec laquelle elle dispense des blues aussi poignants que cet “Insomnia Blues” (où elle revisite avec brio les styles de Roosevelt Sykes et Champion Jack Dupree), et adapte la seule cover présente (“I’m Lost Without You” de Memphis Slim, selon l’arrangement mambo qu’aurait pu y appliquer Ray Charles) emporte l’adhésion. Avec l’appui d’une convaincante section rythmique, ainsi que de l’orgue ponctuel de Brandon Adams sur quatre titres (les soulful “Love Keeps Walking In”, “No One Will Ever Know” et le terrassant “It’s Been Raining In My Heart”, où elle étincelle dans le registre des grandes Aretha Franklin et Randy Crawford), voire le ragtime R&B de “Ain’t Gonna Be Looking Back No More”, elle ne répugne pas à aborder avec la même aisance le second line beat louisianais dont son producteur s’avère coutumier (“It’s Alright Baby”, avec la basse impériale de ce dernier). En disciple consommée de figures tutélaires telles que Leroy Carr, Big Maceo et Charles Brown, Hanna PK délivre un album impressionnant, qui se referme sur l’irrésistible stride “Two And Four”. Ne vous fiez pas à son look trompeur de manga nubile: elle présente assurément tout d’une grande, qu’il conviendra désormais de suivre de près.

Patrick Dallongeville
Paris-Move, Blues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, October 20th 2021

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