| Blues |
Sur le papier, ce disque a tout d’une aberration, voire d’une hérésie. Un peu comme d’imaginer Didier Wampas reprendre avec Marion Maréchal le répertoire de François Béranger en hommage à Joseph Darnand! Que l’on en juge: redneck jusqu’à la pointe des ‘tiags, l’unique rejeton du légendaire Hank Williams s’acoquine, sous la houlette du leader des Black Keys, avec rien moins que la diaspora qui entourait RL Burnside, pour un pur album de hill country blues… Rapide survol de la trajectoire de Bocephus (comme le surnommait son paternel): demi-orphelin à quatre ans d’une légende qu’il n’avait jusqu’alors qu’à peine identifiée pour père, le prénommé Randall Hank se vit poussé sur les planches par sa maquignonne de matrone (la veuve Audrey), qui l’enjoignit dès lors de continuer à faire prospérer le répertoire aux œufs d’or du défunt acoolo. On fait difficilement pire comme traumatisme originel (demandez donc à Louis XIV et Sean Lennon), et ceci explique sans doute maintes tribulations du gusse au fil de son existence. Passons charitablement sur son accident d’escalade en 1975 (qui le laissa défiguré et perclus de séquelles physiques et cognitives), pour ne mentionner que ses 58 albums au compteur depuis son onzième anniversaire, oscillant entre country bon teint, rockabilly, boogie-rock sudiste et digressions bluesy (sous le pseudonyme de Thunderhead Hawkins). Mais comment taire son engagement forcené parmi les soutiens de Donald Trump, qui lui inspira de violentes diatribes à l’encontre de Barack Obama, Kamala Harris et Joe Biden? De quoi lui aliéner, outre bonne part de ses compatriotes progressistes, les potentielles faveurs du public européen (hormis la fachosphère, où l’on conspue de toute façon le woke-n-woll), sans parler évidemment des amateurs de blues… Adepte du crossover, Dan Auerbach n’en était de toute façon plus à un défi près, quand il entreprit en 2022 d’entourer le southern drawl de Williams (alors âgé de 72 ans) d’Eric Deaton (basse, guitare acoustique), Kenny Brown (guitares slide et électrique) et Kinney Kimbrough (tous légitimes accompagnateurs et héritiers de RL Burnside et Junior Kimbrough), pour enregistrer à ses côtés (et à Nashville) une douzaine de low-down blues bien terriens, se déclinant en neuf covers et trois semi-originaux. Captés live en studio (et pour la plupart en une seule prise), ces derniers (dont la savoureuse plage titulaire) ne pâlissent pas auprès des reprises millésimées de Robert Johnson (l’impressionnant “44 Special Blues”, avec un Deaton impérial aux six cordes unplugged), Burnside himself (“Georgia Women” et “Fireman Ring The Bell” – sur le riff de “Rollin’ & Tumblin'”- avec les slides croisées et incandescentes d’Auerbach et Kenny Brown, qui giclent ensuite partout), Jimmy Reed (“Take Some Insurance On Me” et l’harmo gouleyant de Tim Quinne), Big Bill Broonzy via Muddy Waters (“Rock Me Baby”), Big Joe Turner (“TV Mama”) et Lightnin’ Hopkins (“My Starter Won’t Start”, “Jesus, Won’t You Come By Here” et le salace “Short Haired Woman”, au terme duquel Hank/Thunderhead ne peut réprimer quelques obscénités qui révulseraient à coup sûr ce bigot congénital de JD Vance). Passez outre vos préjugés, car voici l’album putatif que les Black Keys auraient aussi bien pu enregistrer en loucedé après “Delta Kream”: aussi cru, sale et funky que l’était Hound Dog Taylor – à n’y rien comprendre!
Patrick DALLONGEVILLE
Paris-Move, Illico & BluesBoarder, Blues & Co
PARIS-MOVE, December 23rd 2025
Follow PARIS-MOVE on X
::::::::::::::::::::::::::
Un album qui a déjà sa page Wikipedia ICI
Tracklist:
1. 44 Special Blues 01:58
2. Georgia Women 04:05
3. My Starter Won’t Start 03:14
4. Take Out Some Insurance 03:58
5. Rich White Honky Blues 03:56
6. Short Haired Woman 04:53
7. Fireman Ring The Bell 05:28
8. Rock Me Baby 03:57
9. I Like It When It’s Stormy 03:19
10. Call Me Thunderhead 04:03
11. TV Mama 04:04
12. Jesus, Won’t You Come By Here 02:50