GUY VERLINDE – Standing in the Light of A Brand New Day

R&S Music
Americana, Blues
GUY VERLINDE - Standing in the Light of A Brand New Day

En tant que frontalier, je peux en témoigner: la Belgique est sans doute l’une des nations les plus musicales d’Europe. Et ce, dans quelque genre que ce soit: de Venus à Sharko, d’Arno à Catherine Graindorge, et de Ferré Grignard aux Boogie Beasts (sans oublier Brel, Django Reinhardt, Fats Sadi et Elmore D, ni bien sûr Ann Pierlé, Selah Sue, Ghalia Volt et Bobby Jaspar), ce pays que l’on dit plat fourmille effectivement de talents. Mais la Belgique, c’est aussi géographiquement contraint, et même si l’on en étend les circuits de diffusion jusqu’aux Pays-Bas et au Luxembourg, bien peu de ses artistes natifs parviennent à y vivre pleinement de leur art, à moins de réussir à l’exporter. C’est ce qui étouffa naguère des talents aussi manifestes que les Electric Kings, Tee ou El Fish, alors que des perles de cet acabit auraient sans doute mieux proliféré aux États-Unis ou en Allemagne (voire en Glande-Bretagne). Originaire d’un village proche de Bruges, Guy Verlinde est devenu au fil des ans LE bluesman flamand par excellence, reprenant en quelque sorte le flambeau vacillant du fameux Roland Van Campenhout (aux côtés de la nouvelle génération qu’incarnent Tiny Legs Tim et Steven Troch). Activiste forcené, il est non seulement le promoteur de master classes blues à destination des écoles de sa région, mais également programmateur au sein du blues club de Gand, où il organise des jam sessions mensuelles. Tout ceci ne l’empêche pas de se produire en Europe, que ce soit à la tête de sa propre formation ou en one man band. Depuis ses débuts discographiques en 2008 (successivement sur les labels Parsifal en Belgique, et Dixiefrog en France), il a enregistré pas moins de treize albums (dont un entièrement consacré à Hound Dog Taylor), mais comme pour tant d’autres, l’an 2020 marqua d’une pierre noire le développement de sa carrière. Alors qu’il était parvenu jusqu’alors à financer ses enregistrements grâce aux revenus que lui procuraient les concerts, cette source s’est brutalement tarie avec l’irruption de la pandémie de COVID 19, et il éprouva dès lors une précarité comme il n’en avait jusqu’alors jamais connue. Acculé, il lança une campagne participative pour financer l’enregistrement et la production de ce disque-ci, et l’ampleur de l’élan qu’elle suscita l’amena à mobiliser pour sa réalisation le plus vaste panel possible d’instrumentistes belges et hollandais. Prolongeant cette solidarité jusqu’au bout, il n’y employa en effet pas moins de 17 musiciens (ainsi que trois ingénieurs du son, un graphiste et un photographe), tous autant impactés que lui par la crise sanitaire actuelle. Passé le bref instrumental “Breaking Dawn” (entre Kelly Joe Phelps, Harry Manx et le Ry Cooder de “Paris, Texas” et “Sister Morphine”), “Up On The Mountain” pose le manifeste reliant chacun des treize titres de ce disque: la résilience. Concept que véhicule aisément le romantique “Caroline Brings” (que Guy avoue avoir composé sous l’influence du Tom Waits de “Closing Time”, comme en témoignent ses cuivres languides et ses chœurs élégiaques). Le country blues “The Unsung” est un hommage à ces héros anonymes qui, plus que jamais en ces temps contraires, se dévouent pour leur prochain, tandis qu’avec ses cuivres New-Orleans, le jubilatoire Dixieland ragtime “I’m Your Man” célèbre l’éternelle renaissance de l’amour à tout âge (même le plus avancé). Introduit par deux simples guitares acoustiques entrelacées, le superbe “If I Were Your God” interroge les religions sur un mode appalachien, avant que des cuivres célestes ne viennent y apposer leur sceau. Chanté en duo avec la vocaliste gantoise Naomi Sijmons, “No More” est une poignante résolution folk, alors que sur un biguine beat, “Both Sides Of The Blues” emprunte les rythmes chaloupés du “Congo Square” de Sonny Landreth, pour célébrer les flagrantes racines africaines du blues. Comme l’indique son titre, “Surrender To The Groove” s’avère une irrésistible invitation à la danse (tout en ne devant bien sûr rien au disco), dans la ligne des bourrées folk-blues que pratiquait Jethro Tull au temps de “This Was” et “Stand Up”, banjo et harmonica à l’appui. Entre Jim Croce, Jackson Browne et Jorma Kaukonen, le folk limpide de “Last Goodbye” campe un adieu, alors que dans la même veine, “The Way You Are” célèbre l’inconditionnalité de l’amour avec un grand A. Sur un mode bastringue louisianais proche des premiers Little Feat, le sardonique “Karma’s Gonna Kick Your Ass” ramène la chanteuse Naomi Sijmons (dont la verve rappelle ici la regrettée Katie Webster), pour dénoncer les méfaits de certains Trolls sur ces réseaux qu’on prétend sociaux. Le pianiste batave Roel Spanjers y décoche des contrechants cinglants, et un solo à décorner Bill Payne en personne, tandis que la slide de son compatriote Richard van Bergen en fait autant avec celle de Lowell George. Cet album (son plus éclectique à ce jour) se referme sur l’émouvant “In July”, où l’harmonica chromatique d’Olivier Vander Bauwede épouse les accents de l’un des plus grands jazzmen que la Belgique ait produits, Toots Thielemans. Un disque qui fait du bien là où ça fait mal: si vous ne connaissiez pas Guy Verlinde, voici sa palette la plus accomplie.

Patrick Dallongeville
Paris-MoveBlues Magazine, Illico & BluesBoarder

PARIS-MOVE, September 4th 2021

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